6 – DE JAFFNA A TRINCO

Ayu bohan

En fait, ici, en pays tamoul, on ne dit pas ayu bohan pour dire bonjour. On dit autrement đŸ˜Š Les tamouls et les cinghalais ne se comprennent pas, sauf s’ils ont appris la langue de l’autre. Il arrive qu’ils se parlent en anglais. Cela arrive en Inde aussi, ils ont tellement de langues officielles lĂ -bas et le pays est vaste pour rendre cohĂ©rent la multitude des langues ! En revanche, la seule langue officielle du Sri Lanka est le cinghalais. Encore plus compliquĂ© qu’en Belgique leur histoire. Plus sanglante aussi. Voyez ce qui vous attend Ă  Charleroi ! S’il en est de la langue, c’est valable pour l’écriture. Il n’est pas rare que des panneaux et informations soient en trois langues, cinghalais, tamoul et anglais. Pour le touriste, c’est plutĂŽt bien, beaucoup de choses sont Ă©crites en anglais, menus, infos, enseignes des boutiques, mĂȘme la destination des bus, ce qui n’est pas nĂ©gligeable. Et quel que soit leur bord, les Sri lankais sont fiers de leur pays. Ils aiment qu’on leur dise que leur pays est beau. D’ailleurs, la rĂ©ponse souhaitĂ©e est dans leur question : « do you think that Sri Lanka is beautiful ? Â». Ils savent me demander cela autant que mon nom ou mon pays d’origine. On va pas contredire. Une fois cependant, assis sur une plage, entourĂ© d’une brique de lait vide et de quelques bouteilles et papiers, j’ai suggĂ©rĂ© que quand ça serait nettoyĂ©, je pourrai Ă©ventuellement penser que le pays est « beautiful Â». Le monsieur a compris et a commencĂ© Ă  ramasser les dĂ©chets đŸ˜Š. Globalement, si on met de cĂŽtĂ© nos propres standards, je trouve que c’est assez propre. Rien Ă  voir avec la saletĂ© qu’on trouve souvent en Inde. Ça manque de poubelles quand mĂȘme


Jaffna est une trĂšs ancienne ville, capitale d’un royaume durant plusieurs siĂšcles, investie par des colonisateurs, portugais, hollandais, puis britanniques. Chacun a marquĂ© son empreinte et j’aurais pensĂ© y trouver plus de traces architecturales de ces histoires. La guerre civile n’a pas aidĂ© et il a bien fallu vivre. Je ne trouve donc pas le pittoresque que j’avais imaginĂ©. Le centre est vibrionnant, marchĂ©s et bus se marchent sur les pieds, pas de bĂątiments de type colonial donc, un vieux fort hollandais bien prĂ©servĂ©. Ma premiĂšre balade est un peu dĂ©cevante. En revanche, on sent le renouveau. La paix apporte les investissements, des vrais supermarchĂ©s tout neufs, des boutiques modernes cĂŽtoient maintenant les anciennes, encore traditionnelles, des restaurants plutĂŽt pas mal et cleans. On n’y est pas encore, mais ça frise l’organic fashion tout ça. C’est l’occasion ou jamais de bien manger et dans cette partie du pays, les tamouls viennent de l’Inde du sud. Ça se ressent. Tout d’un coup je me dis « tiens, bon sang espĂšce de grand boudin, nous serions en Inde que ça ne serait pas diffĂ©rent Â». Je vais manger d’excellents dosas (grandes crĂȘpes fines fourrĂ©es de lĂ©gumes, Ă©pices
). Et puis je vais aussi au Jaffna Authentic Cuisine Restaurant, je ne peux pas me tromper. Le cadre est superbe, quelques clients occidentaux mais surtout des sri lankais, ceux que je ne rencontre pas dans la journĂ©e, mieux assis sur leur compte en banque, en groupes de quelques-uns comme s’il s’agissait de gens du rotary local. Je m’offre un prawn paal poriyal (crevettes en sauce Ă©picĂ©es) et je tombe de ma chaise devant ce raffinement et ce mĂ©lange des arĂŽmes. L’addition me semble stupĂ©fiante et mon cerveau daigne faire le calcul. J’ai mangĂ© pour 6 € ! Et comme je ne mange quasiment pas le midi, ma balance nourriture demeure raisonnable đŸ˜Š Un autre soir, c’est crab curry (spĂ©cialitĂ© de Jaffna), j’en ai plein les mains, je mange comme un cochon, je me rĂ©gale, ça arrache le palais et fais couler les yeux, mais qu’est-ce que c’est bon.

Je prends un scooter pour deux jours. C’est le meilleur moyen de bien rĂŽtir tout rouge avec des marques trĂšs nettes. Le prix de la libertĂ©. On considĂšre cette zone comme une immense pĂ©ninsule, reliĂ©e juste par une toute petite bande de terre au territoire. Cette bande s’appelle l’Elephant pass, les Ă©lĂ©phants y passaient paraĂźt-il pour ĂȘtre envoyĂ©s en Inde. Autant dire que de l’eau, il y en a partout. PremiĂšre journĂ©e vers le nord-est. Vroum vroum. Superbe grande plage pour moi tout seul et quelques pĂȘcheurs abritĂ©s sous leurs huttes de palmiers. Ils attendent le soir pour repartir en mer. Un pĂȘcheur m’annonce que je suis son « premier français Â». Je suis ravi. Evidemment. L’eau est merveilleuse. Des petits poissons viennent me picorer les peaux mortes comme au fish spa. Et sur la cĂŽte nord, la route n’est jamais trĂšs bonne mais toujours Ă  proximitĂ© de la mer, oĂč les pĂȘcheurs sont installĂ©s. Les rochers affleurent l’eau, il n’y a pas de plages, les pĂȘcheurs ont amĂ©nagĂ© des passes pour entrer et sortir leurs barques. Celles-ci sont colorĂ©es et en fibre. Le bois lourd, c’est terminĂ©.

Et les Ă©glises succĂšdent aux temples hindous. J’y reviens mais j’ai du mal Ă  comprendre l’esprit communautaire qu’a notre espĂšce, fondĂ©e sur les croyances de nos parents, de nos aĂŻeux, orientĂ©s dĂšs notre naissance Ă  ce qu’il faut croire ou comment se comporter, ou quoi s’autoriser et s’interdire, parce que c’est Ă©crit quelque part ou que quelqu’un l’a dit il y a fort longtemps, dans un pays fort fort lointain. J’entre dans un grand temple de Jaffna ce matin. Les hommes doivent avoir les jambes couvertes et ĂȘtre torse-nus. La mesure ne s’applique pas aux femmes. Ça change quoi ce rituel (que je trouve personnellement ridicule) Ă  ce qu’on peut aimer ou croire ? Ailleurs, dans leurs lieux respectifs, les catholiques doivent enlever leur chapeau et les juifs se couvrir la tĂȘte. Les musulmans enlever leurs chaussures. Il y a ceux qui interdisent la consommation de porc, pour d’autres c'est le bƓuf, d’autres encore prĂŽn(ai)ent le poisson le vendredi. Et on est tous les mĂȘmes humains. Pourquoi ces comportements et ces rĂ©gimes alimentaires diffĂ©rents ? A la limite qu'on mette un short Ă  Tombouctou et une doudoune Ă  Helsinki, je peux comprendre. A peu prĂšs toutes les religions se revendiquent bienveillantes envers le voisin, la bonne blague. Et tout ça nous donne l’occasion de belles bagarres, ça n’en finit pas. Alors je me demande, ici, au Sri Lanka, ces gens qui pour les uns vont au temple, les autres Ă  l’église, ou Ă  la mosquĂ©e, tous dans une ferveur incroyable envers des rituels et croyances qui ne se ressemblent absolument pas, qu’est-ce qui au final peut les rĂ©unir durablement ? En gros, pour schĂ©matiser bien lourdement, la religion, c’est comme Internet, au dĂ©but ça part d’une trĂšs bonne intention (gnagnagnagna) d’échange et de rassemblement, et au final, ça dĂ©sunit, ça dĂ©chire et ça donne le pouvoir Ă  quelques-uns. A mĂ©diter.

J’aime beaucoup les billets sri lankais. D’abord parce que chaque montant a une couleur bien identifiĂ©e. Et puis, belle originalitĂ©, un cĂŽtĂ© est positionnĂ© Ă  la française (format portrait Ă  l’opposĂ© du format paysage). Et puis de belles couleurs, et puis voilĂ , je les aime bien ces billets. Il existe des piĂšces de 5 et 10 roupies, mais trĂšs peu circulent.

Je ne comprends pas pourquoi l’animal emblĂšmatique du Sri Lanka est le lion. On le voit sur le drapeau, en statue dans les temples. Le lion n’a pourtant jamais mis les pattes au Sri Lanka. Il est vrai que s’il avait fallu choisir un animal bien prĂ©sent sur le territoire, cela aurait Ă©tĂ© le chien errant (incroyable, mais c’est pareil en Inde, en Egypte, en Asie, certainement en Afrique) ou le corbeau.

Je fais quelques rencontres Ă©phĂ©mĂšres mais intĂ©ressantes. Jaffna est sans doute plus propice Ă  cela, plus dĂ©contractĂ©, c’est que disent les voyageurs. Un natif tamoul du Sri Lanka, 55 ans, qui a Ă©migrĂ© en France Ă  l’ñge de 18 ans Ă  cause de la guerre. Il a obtenu l’autorisation de sĂ©jour, puis la nationalitĂ©, parle français comme vous et moi. Il parle trĂšs bien mais vite et je ne comprends pas toujours ses cheminements de pensĂ©e. Deux grands enfants Ă©tablis en RĂ©gion parisienne et divorcĂ©. Il a rencontrĂ© sur facebook une femme cinghalaise et vient la rencontrer de visu pour la deuxiĂšme fois. Pour lui, c’est inconcevable de vivre sans quelqu’un. Alors je me lĂšve sur la table, je serre mon poing comme un micro et j’entonne : « Je n'ai besoin de personne
 Â» (On se lĂšve pour VĂ©ronique S.), sauf que ça parle d’une rencontre, mais ça, je ne le dis pas. Ils vont se marier en aoĂ»t. Le but est de la ramener en France. « Mais va-t-elle ĂȘtre heureuse en France ? Climat ? Langue ? Assimilation ? Â». Sa rĂ©ponse est affirmative, il est l’avatar de Superman. Il admet que l’immigration est beaucoup plus compliquĂ©e aujourd’hui qu’à son Ă©poque. Il faut savoir parler français, etc. Je ne suis pas trĂšs au courant des derniĂšres rĂšglementations
 En tout cas il repart en France travailler et laisse sa dulcinĂ©e vers son Ă©quateur. Je suis Ă©tonnĂ© qu’il parle si bien français. Sur la plage, je me fais aborder par un sri lankais qui travaille en France depuis 38 ans, « Rue de Rivoli, au 206, tu connais ? Â». Je fais une petite recherche. C’est un restaurant self-service hyper mal notĂ© sur Google. J’ai Ă©normĂ©ment de mal Ă  le comprendre. Ces gens dĂ©placĂ©s vivent en communautĂ© et en restent aux balbutiements. Il est en tout cas surpris que je connaisse le Jardin des Tuileries, le Louvre et les Champs ElysĂ©es đŸ˜Š

Une jeune femme, vingtcinquenaire, typĂ©e mais parlant anglais dans la guesthouse. Je lui demande d’oĂč elle vient. Son pĂšre est sri lankais et sa mĂšre française. Elle est nĂ©e Ă  Londres et y a toujours vĂ©cu. Elle se sent d’ailleurs anglaise, c’est lĂ  que sont ses amis. Elle Ă©tudie cette annĂ©e Ă  Newcastle en Australie, au nord de Sydney, grĂące Ă  un Ă©change. Elle passe deux mois au Sri Lanka, visiter ses racines, voir sa famille. Adorable. Elle me donne quelques plans sympas. Et puis ce couple d’Arpajon avec leur fils de 14 ans. Je les rencontre sur le micro ferry qui mĂšne Ă  la micro Ăźle de Nainativu. On parle voyages. Lui rĂȘve d’aller au YĂ©men, voir Sanaa. J’y suis allĂ©, nananĂšre. Il aimerait aller en Afghanistan aussi. Bref, il a des rĂȘves inaccessibles cet homme. On s’échange nos plans. Ils me confirment que le nord du Sri Lanka, moins visitĂ©, est l’endroit le plus authentique qu’ils aient visitĂ©. J’aurais donc mangĂ© mon pain blanc ? Et d’autres


Le marchĂ© aux poissons de Kakkaitivu, quelques kms Ă  l’ouest de Jaffna est un vrai bonheur tĂŽt le matin. Les marins dĂ©barquent les poissons qui filent directement sur les Ă©tals oĂč c’est une sorte de vente aux enchĂšres. Plus frais il n’y a pas. D’autres sont immĂ©diatement mis par genre sous glace dans de grandes boĂźtes polystyrĂšne, et mis dans des camions pour ĂȘtre expĂ©diĂ©s sur les marchĂ©s. Je continue mes recherches rapides sur la pĂȘche. D’aprĂšs L214, les poissons pĂȘchĂ©s en mer ont une agonie (par asphyxie) de quatre heures. C’est long ! On ne s’en aperçoit pas car 1. On ne veut pas s’encombrer la tĂȘte et 2. Parce qu’ils vivent et meurent en silence (raccourci rapide : ils ne souffrent pas). Remplacez-les par des petits chats ou des petits chiens, ça ferait plus de grabuge. Sur les Ă©tals, certains poissons frĂ©tillent encore. On trouve que c’est bien, ça montre qu’ils sont frais. Mais c’est juste qu’ils sont en train de mourir ! Je m’arrĂȘte boire un NescafĂ©, il y a des enseignes partout sur le bord des routes. C’est dĂ©gueulasse mais ça remplit au calme, je regarde les gens, prend le temps, prend quelques clichĂ©s.

Je fais le tour des Ăźles Ă  l’ouest de la pĂ©ninsule. C’est tout plat. La route est parfois Ă  peine un mĂštre au-dessus de l’eau. Ils rĂ©implantent des mangroves. C’est bien. Le matin, les Ă©chassiers picorent dans le sable mouillĂ©. Quelques arrĂȘts plage. Quelques arrĂȘts temples. Au plus loin, mais trop loin pour moi aujourd’hui, il y a l’ile de Delft accessible en ferry. Il y a des chevaux sauvages issus de chevaux apportĂ©s par les hollandais il y a quelques siĂšcles. Cela me fait penser aux Ăąnes sauvages de l’üle de Mannar, parfaitement tolĂ©rĂ©s, inutilisĂ©s en l’agriculture ou autres. Il y avait mĂȘme un endroit pour les soigner en cas de besoin. Je prends un ferry tout bleu et tout petit, on s’entasse comme des boat people. Il vaudrait mieux ne pas chavirer. Et puis un autre, encore plus petit, oĂč je peux grimper mon scooter et finir mon tour. Je roule sur un Ă©norme clou devant l’échoppe d’un menuisier. Mon pneu est crevĂ©. Je lui dis (au menuisier, pas au pneu) que je ne suis pas content et qu’il pourrait ranger ses clous dans leur boĂźte. Heureusement il y a un rĂ©parateur pas loin. La rĂ©paration prend 5 minutes et me coĂ»te moins d’un euro.

Train pour Vanuniya, 140 kms au sud de Jaffna. C’est juste une Ă©tape pour bifurquer ensuite vers la cĂŽte est au niveau de Trincomalee. Je prends une place en premiĂšre classe, c’est dans mes moyens. L’air conditionnĂ© est assez rude. Penser Ă  acheter un blouson triple Ă©paisseur pour la prochaine fois. Ca ne va pas plus vite que le bus, mais c’est plus reposant, je peux lire sans ĂȘtre ballottĂ© ni avoir les oreilles farcies de variĂ©tĂ©s sri lankaises. TrĂšs peu de choix d’hĂŽtel, les touristes n’entrent pas Vanuniya dans leurs prioritĂ©s. Le seul potable que je trouve est deux fois plus cher que ceux dont j’ai l’habitude, mais c’est un hĂŽtel aux normes occidentales tout propre et rĂ©novĂ©. Chambre, lit et salle de bains immenses. Attention de ne pas prendre l’habitude, j’ai encore pas mal de nuits Ă  tirer. Je mĂ©gote quand mĂȘme sur les 10% de frais de service qu’ils veulent me compter. Ah mais ! Sinon Vanuniya est une bonne petite surprise. Sans intĂ©rĂȘts d’ampleur, mais calme au bord de son grand lac et vive sans plus le soir et le matin quand les commerçants sont encore de bonne humeur. Dans mes voyages, il arrive qu’il y ait des moments oĂč je me demande ce que je suis venu faire lĂ . A force de pousser les portes plus loin, oĂč personne n’en parle, pour ne pas faire comme tout le monde
 ll se peut que je me trompe, que l’hĂŽtel soit loin, ou minable, que je ne trouve pas Ă  manger correctement, que je m’em
 Ce n’est pas trĂšs grave, j’ai le temps de me fourvoyer et d’insister jusqu’à ce que j’aie raison. Et puis il arrive souvent un petit truc, quelques photos inattendues, une rencontre, une conversation, des rires avec les enfants (qui se demandent aussi ce que le gringo est venu faire ici) et paf, je n’aurais pas tout perdu. Si ça ne vient pas, je m’en vais.

3 heures de bus pour Trincomalee sur la cĂŽte est. Cette ville oĂč je n’avais non plus mis les pieds en 1991 pour cause de conflit, me déçoit beaucoup. La chaleur n’arrange rien. Heureusement, mon hĂŽtel est bien,50 mĂštres de la plage, mais Ă  la fois Ă©loignĂ© de la ville et d’Upavelli. Je vais me baigner, l’eau est excellente, sans surprise. En revenant au bord aprĂšs avoir longtemps fait le phoque, je me cogne dans trois mĂ©duses successivement. Ca rafraĂźchit mes ardeurs. Je sors vite et en me promenant sur la plage, je vois une belle quantitĂ© de mĂ©duses Ă©chouĂ©es. Mes ardeurs sont congelĂ©es. En ville, il y a un meeting de scouts de partout. Impressionnant. Un petit scout me prĂ©sente un Ă©cusson et me demande un Ă©change. Je ne comprends pas trop et je dĂ©cline avec un grand sourire. Alors il me prĂ©sente un carnet et me demande un authographe avec mon numĂ©ro de tĂ©lĂ©phone. Je m’exĂ©cute. D’autres arrivent et me demandent la mĂȘme chose. Je pense qu’ils ont cru que j’étais moi-mĂȘme scout. S’ils m’avaient demandĂ© mon nom comme c’est 300 fois par jour, j’aurais dit m’appeler « Vieux grigou sur le dĂ©clin Â», foi d’éclaireur, par le totem des grands sages. Pas de restaurant digne Ă  Trinco. Je ne mange pas, je me nourris.

Tout le monde porte le casque sur les motos. C’est assez rare pour ĂȘtre signalĂ©. J’achĂšte un t-shirt taille L pour Tom. D’abord c’est pour faire marcher l’industrie locale. Mais je m’aperçois ensuite qu’il est fabriquĂ© au Vietnam. Et j’oublie qu’en Asie, il faut augmenter d’au-moins deux tailles. Je m’en aperçois en le repliant dans mon sac. Il ne va mĂȘme pas rentrer la tĂȘte. Et puis des tongs, si les miennes viennent Ă  dĂ©cĂ©der en route, j’aurai le choix ici, une boutique sur deux en vend. Des rayons entiers. De toutes les couleurs. Je regarde quelques Ă©tiquettes, c’est du Made in China. Je prie Bouddha, Allah, Vishnu et ses frĂšres pour que mes vieilles tongs rĂ©sistent. Elles n’en sont pas encore au stade du palliatif, mais vieilles quand mĂȘme. Comme vous voyez, je glisse lentement vers une zone Ă  risque, celle de l’achat compulsif. Tenir, tenir
 D’ailleurs je change de l’argent. Je paye tout en liquide ici. C’est chez les joailliers qu’on trouve les meilleurs taux, et sans commission. Je m’échappe la journĂ©e vers le nord en suivant la cĂŽte. Mon scooter est hors d'Ăąge, ce qui ne lui donne pas la mĂȘme valeur que le whisky ! C’est plus sec (et jaune) que ce que j’ai vu jusqu’à prĂ©sent. Des airs de savane parfois, oĂč les troupeaux de buffles noirs remplaceraient les gnous et les palmiers les baobabs. La mer est agitĂ©e aujourd’hui, des vagues dĂ©ferlantes qui n’incitent pas Ă  la baignade, mais je me trouve un coin abritĂ© et propre sans bateau de pĂȘcheur, rien qu’à moi. Au bout de ma route, Ă  Pudumai, c’est la fin du monde, petit village de pĂȘcheurs fantĂŽme, les huttes de palmiers sont Ă©crasĂ©es de soleil. Sur le retour, deux varans s’échappent Ă  mon passage, quatre macaque ne daignent pas me regarder et d buffles qui prennent leur bain n’acceptent pas de prendre la pause. Ils prennent plutĂŽt la tangente le temps que je sorte mon appareil. Ce soir j’essaye un bon resto de poisson. Demain je pars. Et la prochaine fois vous saurez tout tout tout, vous saurez tout sur le zizi. On se lĂšve tous pour Pierre P. đŸ˜‰