La monnaie d’Oman est le ryal, 1 ryal (ou omr) vaut 2,60 €. Je n’aime pas quand les comptes vont dans ce sens, ça rend les choses fictivement moins chères qu’elles ne le sont en réalité. Le ryal est divisé en Baisas, comme nos centimes, mais pas tout à fait, car il faut 1.000 baisas pour faire un ryal. Un prix sera donc marqué 1,250 ryal par exemple. Du coup je me trimballe avec des pièces de 25 baisas (dans ma poche, très peu en fait, ils arrondissent facilement). Je n’ai pas le souvenir d’un autre pays utilisant les millimes. Beaucoup de pays n’ont pas de subdivision monétaire, comme la Thaïlande qui n’a que le bath…


Je viens de discuter avec Mamoud qui s’occupe de l’hôtel où je suis. Un bengladais comme tous ceux que j’ai rencontrés jusqu’à présent dans les hôtels ! Oman peut remercier la main d’œuvre bengladaise !!! Son salaire est de 100 omr par mois (260 € !). Il envoie 85 omr par mois à sa famille, faites le compte de ce qui lui reste. Certes, il est nourri et hébergé par l e tôlier. Il doit payer sa carte téléphone, ses vêtements, sa nourriture s’il va en ville… et il arrive encoreà mettre un peu de côté pour se payer le billet d’avion pour retourner au Bengladesh, vous imaginez bien qu’il n’y retourne pas tous les ans ! Son visa de travail d’un an est très cher, 1.200 omr, son patron (qu’on ne voit pas sur place) en prend une infime partie à sa charge (200 omr)…

Avec Mamoud, on fait des comparaisons, on aime ça faire des comparaisons avec Mamoud 😊 Avec 300.000 km², Oman a 4 millions d’habitants (dont près de la moitié d’immigrés). Le Bengladesh, deux fois moins de surface, a 175 millions d’habitants (dont plus de 20 millions à Dacca). Voilà, c’étaient les comparaisons du soir…

RAS AL HAD

L’attraction de Ras-al-Had est la ponte des tortues, j’y reviendrai.

J’y arrive en fin de journée, hôtel OYO à nouveau, ils font une promotion spéciale aujourd’hui, 6€ (14€) la chambre si je télécharge leur appli. Pour ce prix-là, je télécharge ce qu’ils veulent ! La chambre est top comme d’habitude, un peu au milieu de rien, une rangée de restos pas loin. Je pars voir la lagune, la mer est basse, la lagune est à sec, toute plate, les bateaux de pêcheurs sont posés sur le sol un peu craquelé. En rentrant un peu dans les quartiers, il y a de la vie, les gamins crient leur excitation, des fillettes posent pour moi, dans quelques années, c’est voile et compagnie.

L’endroit est donc un lieu de ponte des grosses tortues, qui, après des milliers de kilomètres de nage, reviennent pondre là où elles sont nées. Cette performance est diaboliquement étonnante. La vraie saison de la ponte est juillet août, ces dames ont leurs habitudes, et il n’est pas rare que 50 à 100 tortues viennent pondre chaque nuit sur la plage. Parce qu’aussi, ces dames sont pudiques, elles font ça dans le noir… En réalité, c’est pour éviter au maximum les prédateurs qui n’hésitent pas à bouloter les œufs à peine pondus. On a tous vu des reportages sur le massacre des tortues par les oiseaux, les œufs, mais aussi juste après leur éclosion, lorsque les tortues nouvelles-nées font le long périple jusqu’à l’eau… Où là aussi de gros poissons les attendent. Combien survivent ???

A Ras-al Had, qui marque la pointe sud-est de la péninsule arabique, voir les tortues pondre est organisé, c’est relativement protégé. Il faut se rendre dans un grand hôtel qui fait office d’entrée de la réserve. Et là, on attend dans le lobby que des tortues soient signalées avant d’être embarqués. Car c’est un lieu de ralliement très populaire. Mais d’où viennent donc tous ces touristes ??? J’en dénombre à peu-près 150 ! J’ai déjà assisté à ce type d’attraction, il y a très longtemps, c’était en Malaisie je crois, on nous avait réveillés en pleine nuit pour aller voir les tortues, nous étions parqués dans des pick-ups avec d’autres routards. C’était protégé, mais ça représentait tout de même pas mal de monde pour assister à la ponte. Que les femmes qui accouchent imaginent faire cela devant un public de 150 tortues !!! Cela m’avait assez impressionné, tous ces efforts de la très grosse tortue, sortir de l’eau, remonter la plage assez haut pour trouver assez de profondeur de sable, creuser un trou profond pour que les prédateurs ne puissent déterrer, pondre. Je me souviens encore du souffle fort qui marquait l’épuisement et les cris sombres, pour la douleur ou les efforts en tout cas. Ensuite recouvrir les œufs (une vingtaine ?) de sable et repartir dans l’eau, sans un regard sur sa progéniture. Tout ça à la force des nageoires… au rythme lent et harassé de la tortue.

Nous ne sommes absolument pas dans la saison de la ponte, mais il arrive que des retardataires se manifestent. On nous dit que la veille, deux tortues s’étaient présentées à la maternité. Ce soir ce sera aucune, les touristes repartent la queue basse. Belle soirée dans ce hall d’hôtel !

Au petit déjeuner, 2 jeunes couples de français, l’un de Rennes, l’autre de Bordeaux, l’un une semaine à Oman, l’autre 2 semaines. Je les fais évidemment bisquer !


VERS L’AL REEM RESORT

Je prends la route du sud, le long de la côte, comme si je repartais vers Salalah. Traversée de quelques patelins, Assilah me plaît bien, de la vie commerciale après ces kilomètres sans rien. A Hamad, je pars à la rencontre de la mer, trouve un endroit désert (ce n’est pas une performance) pour me baigner. La mer bouge pas mal, des panneaux signalent des courants, je ne fais pas mon fier et ne m’éloigne pas trop. Pas envie que le diable soit tenté par ma personne ! Al Ashkharah est vraiment très bien, sa baie regorge de boutres (qu’on appelle dhows à Oman), les pêcheurs me parlent, en voilà un qui veut me vendre son gros poisson. Coffee shop face à la plage.

Je bifurque vers le nord-ouest, intérieur des terres, jusqu’à Bani Bu Ali et sa copine voisine Bani Buhassan. Une ancienne petite mosquée (retapée) intéressante avec ses coupelles comme des mamelons féminins. Le mécréant que je suis ne peut pas entrer à l’intérieur pour voir de plus près ces seins de brique. Autour c’est un quartier de maisons anciennes, parfois abandonnées, toutes enceintes de hauts murs, les portes d’entrée sont métalliques et colorées. J’aime ces ambiances. Mais il faudrait venir le soir, une ou deux heures avant la fermeture du jour, lorsque le soleil arrête de cogner, car c’est à ce moment que les gens sortent de chez eux…

Cet endroit est à la lisière de ce qu’on appelle les Sharkiya Sands, longue et large bande de dunes. L’entrée du désert, comme disent les brochures. Il est sûr qu’il vaut mieux avoir la clé pour entrer dans le désert ! Je vais passer la nuit au Al Reem Desert Camp, pour cela je casse un peu ma tirelire (38 omr / 90€ en promo sur Booking pour la nuit, demi-pension quand même…). Je suis le seul guest ! Ça ne va pas m’aider à soigner mon autophilie 😊. Je me laisse tenter par une virée en 4X4 jusqu’au coucher du soleil dans les dunes (40 omr, aïe le budget d’un coup). C’est Nacer qui conduit. Jaloux de Sébastien Loeb dont il n’a pas l’allure, il me la fait rallye, tente de me faire vomir et de m’arracher des cris de terreur. Non Nacer, tu ne m’impressionnes pas… Reste qu’à 120 kms/h sur les pistes et les montées et descentes de dunes abruptes, ça déménage… Des endroits sont salopés de bouteilles plastiques et autres ordures. Ce sont les connards du vendredi qui viennent gonfler leurs biscoteaux sur leurs 4X4… Vroum vroum ! Le désert est magnifique en fin de journée, on entre dans le domaine des dunes sculptées par le vent. Le sable a la consistance fine de la poudre de ciment. Mamoud fait un petit feu, ça doit être compris dans le forfait du circuit. Sympa sympa.

Sympa aussi ce petit camp rien que pour moi, buffet dîner à volonté, idem pour le petit dej, des recoins pour se poser un peu partout, même le petit feu du soir (ça caille vite) et retour à la cama.


Je repars en arrière vers la côte. Ma destination du jour est l’île de Masirah, 200 kms à tracer entre mer et désert. J’ai toujours l’obsession de me baigner, même si ce n’est que quelques minutes, ne serait-ce que pour le privilège de la chose. L’autophilie vous dis-je, doublée de mégalomanie 😉

J’emprunte une piste sur le côté qui a l’air assez dure pour ma berline de choc. Pas tant que ça, et je m’ensable. Bon, la guigne, et à force de vouloir me retrouver seul, personne à la ronde. Je me la fais Dakar, trouve des pierres, des bouts de planche, mais rien n’y fait, je n’y arriverai pas tout seul. C’est une petite galère qui me plaît bien, et puis il ne fait pas trop chaud, j’ai à boire et une banane, je peux tenir quelques années. J’aspire à l’aventure, mais j’en suis bien loin. Je pars à pieds à la recherche d’un 4X4 qui pourrait me tracter, ils sont si serviables dans ce pays. Une grande bâtisse au loin qui s’avèrera être un hôtel. Et ça tombe bien, deux ouvriers travaillent avec leur pelle. Je leur explique vite fait et nous voilà partis vers mon tacot. Et je vous le donne en mille, Bingo, il sont bengladais ! Alors j’en remets une couche sur Dacca, Cox Bazar et Chittagong, les trois noms de ville dont je me souviens. Ça plaît à mon audience, ils sont là pour plusieurs années, loin de leur famille, de leurs enfants, pas glop tout de même. On dégage le char, merci les gars et un petit billet en remerciement. Finalement toute petite galère, il me faudra trouver mieux !

Alors je repense à quelques petites aventurettes, l’ensablement dans le las Assal à Djibouti, le brouillard intense qui m’a fait perdre mon chemin dans des rizières philippines, le blocage d’une tribu au Yémen… Que c’est bon ces histoires… quand on s’en sort bien.

Et je fredonne aussi beaucoup ce poème d’Aragon, Est-ce ainsi que les hommes vivent, chanté par Léo Ferré, et surtout, pour moi, magnifié par Bernard Lavilliers…

« Tout est affaire de décor

Changer de lit, changer de corps

A quoi bon puisque c’est encore

Moi qui moi-même me trahis

Moi qui me traïne et m’éparpille

Dans les bras semblables des filles

Où j’ai cru trouver un pays.

Cœur léger, cœur changeant, cœur lourd

Le temps de rêver est bien court

Que faut-il faire de mes jours ?

Que faut-il faire de mes nuits ?

Je n’avais amour ni demeure

Nulle part où je vive ou meure

Je passais comme la rumeur

Je m’endormais comme le bruit.

Est-ce ainsi que les hommes vivent ?

Mais leurs baisers au loin les suivent.

C’était un temps déraisonnable,

On avait mis les morts à table

On faisait des châteaux de sable

On prenait les loups pour des chiens

Tout changeait de pôle etr d’épaule

La pièce était-elle ou non drôle

Moi si j’y tenais mal mon rôle

C’était de n’y comprendre rien…

Etc. etc. »

Je connais (presque) par cœur le texte, Comme pour l’horoscope, j’y retrouve ce que j’ai envie d’être. Aucune prétention.


Je trouve mon bonheur à la plage de Qurum. Chien échaudé… je laisse ma voiture à au moins un kilomètre de l’océan, village de bout de monde, deux petits enfants sont excités par ma présence, de merveilleux sourires. Baignade rapide sur cette nouvelle plage extraordinairement longue, je ne vois d’ailleurs pas les issues à droite ni à gauche. Et je repars sur cette longue route droite, parfois surélevée pour ne pas permettre au sable de l’emporter sur le bitume et éviter les montées et descentes. Le paysage est changeant, fait de plaines énormes, tracées au niveau à l’horizontale, lisses, caillouteuses ou parsemées de végétation dure de désert, petites collines de rochers couleur latérite ou verte, et puis ces immensités de dunes ridées et sculptées, sable à l’infini. A Shannah se trouve la jetée d’embarquement pour l’île de Masirah, 1 heure de traversée, 12 omr (28 €) pour la voiture et moi.

J’atterris au Masirah Beach Camp, tout joli, tout coloré au milieu de rien. Je suis encore le seul client du jour ! Et c’est Mamoud, bengalais, qui est au commande, j’en ai déjà parlé. La négociation est dure, 15 omr (au lieu de 16) pour une chambre pas si terrible, cloisons de contreplaqué, mais pas trop le choix. Tout joue sur le look très coloré, et c’est vrai que ça détonne dans ce no mans land en bord de mer. Au matin, je dénombre un héron, deux tortues et un dauphin échoués et décédés.

Le kitesurf est très pratiqué dans les parages. La saison est de mai à septembre, où le vent doit être propice. Mamoud aime bien cette saison à cause des jolies filles en bikini. Tu m’étonnes…

Petit déjeuner copieux avant de faire le tour de l’île. Mamoud est spécialiste des crêpes bretonnes. Il apporte le Nutella argh. Puis vient le miel ouf ! 5 crêpes rien que pour moi, une grosse omelette, 2 toasts, de la vache qui rit… Bibemdum vout salue bien.

Je tombe par hasard sur un autre camp, uniquement des tentes types bédouins. Welcome welcome, thé, petits gâteaux, galettes… Le camp est super bien situé au ras des vaguelettes. La tente est à 10 omr pour la nuit (23 €). Il vient d’ouvrir il y a 2 mois. J’y reviendrai ce soir avant le coucher de soleil magnifique. Je serai le seul client. Encore un bengladais qui tient l’affaire pour le compte de ses patrons, une famille avec petits enfants, qui a l’air de ne pas savoir travailler et de profiter.


Masirah est une grande île, j’en fait le tour dans la journée. Très minérale, alternance de sables blancs et gris, de roches verdâtres ou noires aux allures de coron. Par endroit, lorsque le soleil se cache derrière les nuages, tout prend la couleur du bitume. Très lunaire donc. A part quelques palmiers plantés ici ou là, je n’ai pas vu de végétation. Très spécial, mais que tous ces paysages sont grandioses. Je ne crois pas avoir jamais vu autant de criques et plages désertes, désertées et à la desserte aisée comme à Oman. Des ploufs de temps en temps donc. Et Bing et reBing, je me réensable – persevare diabolicum ! Je vais chercher un groupe de bengladais (Dacca, Cox Bazar, Chittagong 😊) à 500 mètres. Pêcheurs ils chargeaient des king fish (thons) d’un bon mètre à profusion. Un barracuda était dans le lot. Ils me suivent sans problème et me dégagent illico. Je donne mes réserves d’eau.

Quand la mer se retire, les méduses (un peu cons cons tout de même) s’échouent. Ce sont de grosses galettes orange et visqueuses de 15 cms environ. Avant de tremper mes pieds, je regarde si des congénères ne surnagent pas encore.

A part quelques hameaux de pêcheurs, la population est établie dans le nord, principalement à Hilfs où accostent les boutres et bateaux de la traversée. C’est une petite ville très plaisante, des commerces, les habitations n’ont en général qu’un rez-de-chaussée, ce qui donne une impression de platitude.