3 – LOUXOR – LE CAIRE

Salam alaiqum

Je loge sur la rive ouest de Louxor. Tout comme à Assouan, c’est sur la rive opposée à la ville, très facile d’accès avec un ferry régulier. C’est une bonne option pour plusieurs raisons : c’est bien plus calme (et intéressant que la ville elle-même, c’est proche des temples et tombes de la Vallée des Rois, reines, nobles, artisans usw. Et j’ai trouvé une excellente promotion d’hôtel sur Booking, au Moon house. Grand appartement tout blanc, tout récent. La maison appartient à un américain qui a tout fait refaire avec un réel souci de qualité. Grand écran plat dont je ne me sers pas, Matelas épais et dur comme j’aime avec vraie couette. Grande salle de bains et très bonne pression d’eau. Petit dej très copieux. 20€ la nuit. Les boys sont assez enthousiastes et tentent plus ou moins de me vendre des trucs qui s’avèrent être plus chers qu’ailleurs.

Règle numéro 1 en Egypte : toujours vérifier que ce n’est pas mieux et moins cher ailleurs. Les prix varient très sensiblement.

Ma première journée est consacrée à la rive est (la ville) où les trois attractions sont le temple de Louxor, les temples de Karnak et le musée de Louxor. Le fait marquant de ma visite au temple de Louxor est ma légère altercation avec la dame pipi. En Egypte, les dames pipi, présentes partout, sont en majorité des hommes. La/le dame pipi voulait me faire payer 20LE. Le tarif habituel est de 10LE (on ne demande même plus combien, on donne). Non mais ça va pas non ! A l’entrée du temple de Louxor, il y a un obélisque qui pleure son jumeau, offert à la France vers 1830, celui de la place de la Concorde. Lui aussi était promis. Mais devant les galères de transport et d’installation du premier, il est resté à la maison. D’ailleurs, du temps de François Mitterrand, cet obélisque qui n’a jamais été pris, a été rendu définitivement à l’Egypte. Les temples de Karnak, mondialement connus, sont un ensemble très vaste de 1,5km de long que j’aurais pensé entièrement reconstitué, ce qui n’est pas le cas. Les cars et vans déversent les groupes. Ils étaient donc là les touristes.

Plus que les temples eux-mêmes, maintenant que j’en ai vu quelques-uns, c’est leur âge (et longévité) qui me ramène à l’admiration de ces endroits. Quand j’ai dit à mon père que je n’avais pas la fibre d’un archéologue, il a été très déçu. Tu ne vas quand même pas devenir pilote de ligne ou pompier, m’a-t-il répondu. Voilà c’est comme ça, les sites, je les regarde dans leur ensemble, toujours avec (trop) la recherche du bon angle, la meilleure lumière, le cadre parfait, le premier plan décalé… Je regarde la muséographie avant les œuvres. Sérieusement, c’est tout de même somptueux.

Karnak est incontournable avec ses alignements (haha) de piliers peints, il est le plus vaste d’Egypte. Mais je suis quelqu’un de très simple. Présentez-moi un marché de viandes et légumes sale et qui pue, avec des tronches sorties de leurs taudis, ça me va très bien.

Je décide de retourner sur mes pas à pied malgré les sollicitations incessantes des taxis. Quartiers pauvres et délabrés où je n’ose même pas sortir mon reflex, par crainte de la provocation. Je n’ai pas le gilet « Press » et ne suis pas en reportage de guerre envoyé par BFMTV… Mauvaise pioche. La ville ne porte pas bien son nom, Louxor, c’est pas du louxe… D’ailleurs la ville n’a rien d’intéressant, elle me plaît beaucoup moins qu’Assouan. Le musée de Louxor, en revanche, pas très grand, installé en bordure du Nil pas loin de l’embarcadère pour en face, est parfait. Je regarde la muséographie, ingénieuse et sobre, avec un éclairage bien ciblé et discret, mais aussi les présentations (statues, momies et objets trouvés un peu partout dans temples et tombes).

Entre le temple de Louxor et celui de Karnak, il y a une allée des sphinx longue de deux ou trois kilomètres, sécurisée et accessible uniquement par les temples, ce qui en fait un accès payant. L’emprunter préserve donc des sollicitations parfois incessantes. Au milieu de cette allée est une sorte de check-point billetterie pour le temple suivant. Un couple de jeunes chinois est en pourparlers. Je comprends que le jeune homme tente de faire valoir sa carte d’étudiant pour obtenir le tarif idoine. Cette carte étant écrite en chinois, cela pose problème au caissier. Je les laisse se débrouiller et poursuis ma route.

Au moment de quitter la ville par le ferry, c’est l’heure de l’égosillement de toutes les mosquées de la ville. Si le réveil de 5h du matin (appel à la prière) est parfois éprouvant, tout ça pour dire toujours la même chose, les moments de midi et 18h à peu près sont grandiose. Tous les muezzins s’y mettent, comme s’ils avaient mal, des cris déchirants au nom d’Allah et son prophète ? Ça fait partie du décor. J’aime bien ça.

Pour les situations de harcèlement, j’ai un peu d’expérience. J’avoue que l’Egypte arrive dans le peloton de tête des pays que j’ai pratiqués. Un taxi peut te harceler alors que tu as déjà dit non cinq fois ou que tu entres dans un restaurant, ou tout simplement parce que tu passes à côté. Idem pour les marchands de souvenirs, les pires. Ou les gamins (sales c’est plus efficace), entraînés par leurs parents, qui réclament un dollar, un stylo ou l’échange de leurs pièces de monnaie en devise étrangère en argent local.

Règle numéro 2 en Egypte (et partout ailleurs) : ne jamais donner d’argent aux enfants, mais j’ai déjà fait ma leçon de morale lors d’un dernier voyage en Inde.

Parfois, quand on est moins en forme qu’un autre jour, on s’impatiente et on s’agace. Ça ne perturbe absolument pas le gêneur. Leur grand jeu est de connaître ta nationalité afin de sortir les mots qu’ils connaissent (et ils en connaissent pas mal) dans ta langue. Du genre « tu es français, comment ça va ». D’instinct tu réponds « Ça va + merci » si tu veux rester poli. Grave erreur, la conversation est engagée. Récemment, l’un d’entre eux m’a dit « Ça va ma poule ? ». Un égyptien me l’a confirmé, il ne faut pas croiser le regard, pas répondre, tracer sa route. Dédaigner en quelque sorte. C’est un peu dur à admettre quand on est un être civilisé, mais ça marche plutôt bien. Et moi, faire l’autiste, je sais très bien faire. 

Je me fais copain avec Mahmoud. Et Mahmoud fait copain avec moi, avec mon portefeuille pour plus de précision. Mahmoud tient une petite agence « de tourisme » comme on en trouve partout dans ce genre de pays. Je lui parle de mon projet de remontée en plusieurs jours vers le Caire. J’ai besoin d’une voiture avec chauffeur, pas de guide, pas d’hôtel ni repas commissionnés par l’agence et j’ai noté à peu près les endroits que je veux voir. Son prix est d’emblée moins cher qu’ailleurs ou j’ai demandé. Et je repasse plus tard, et le lendemain, et on papote et repapote. J’apporte des gâteaux. Il m’offre le thé. On palabre. Le prix baisse un peu chaque fois.

Je fais un tour de montgolfière, départ aux pieds de la vallée des rois. C’est une affaire qui marche. Les nacelles contiennent 20 personnes, certaines plus. Lors de mon vol, il y une trentaine de ballons en l’air. Faites le compte pour chaque rotation. Au moins deux le matin, au lever du soleil et après, et aussi au coucher du soleil. C’est joli comme tout. Je suis avec un groupe d’américains du Connecticut et aussi des chinois… de Chine. Le vol n’est pas très cher, Mahmoud m’a trouvé une place de dernière minute à 45€. Evidemment les organisateurs n’en restent pas là qui vont essayer de nous vendre la vidéo, les photos personnalisées et tout le tintouin. Alors on est constamment pris en images, on nous demande de lever les bras en l’air, de faire coucou à la caméra, de sauter en l’air, d’applaudir. Les américains, bons enfants, se prêtent facilement au jeu. Les chinois s’y mettent aussi. Le summum est quand ils nous font faire la ronde autour de la caméra. J’ai un peu de mal… Enfin l’essentiel est de s’envoyer en l’air. Le vent, heureusement, ne nous déporte pas aujourd’hui et nous restons en vue du temple d’Hatchepsout. La Vallée des rois, reines et compagnie est en bordure du désert. La ligne d’irrigation, très verte, est nette et rectiligne. Comme quoi un peu d’eau et tout pousse où qu’on soit.

Je loue un vélo pour visiter les lieux. Premier jour un peu repérage. Au moment où je me dis que les temples ça va bien encore, mais que ça ne va tarder à m’ennuyer, j’arrive au Medinet Abou. Alors là les gars, c’est le choc. Il est le troisième plus vaste temple je crois, après Karnak et… c’est époustouflant de couleurs qui sont demeurées avec le temps. S’il n’y en avait qu’un à voir, ce serait celui-là. J’ai la chance de le visiter au calme, car, au moment de ma sortie arrivent des cargaisons de Chinois qui ont eu une panne d’oreiller et surtout d’Egyptiens qui viennent faire des selfies. Aujourd’hui est le 25 janvier, on commémore la révolution de 2011 et l’éviction d’Hosni Moubarak. C’est plus ou moins férié. Je rencontre peu de touristes à vélo, tant mieux. C’est relativement plat et ma bécane, type VTT à grosses roues, est légère et assez bien. Comme d’habitude, mon fondement ne résiste pas. Comme on dit chez nus « deux jours de vélu, ça fait mal au cul ! ». Sur la devanture de mon teinturier, dont la boutique fait face au Nil, il y a un grand panneau qui vante massage avec happy end et un numéro de téléphone. Assez étonnant d’afficher cela ici ! Un réseau de soudanaises ? J’aurais sûrement intérêt à me faire masser le popotin et les cuisses ! Pour le happy end, on en discutera une autre fois.

Je pénètre à l’écart, derrière les boutiques de souvenirs et de tapis où les cars déversent touristes et portefeuilles, dans un petit village poussiéreux qui me plaît bien. Un type et sa famille m’invitent à boire un thé. Je promets après la visite de mon prochain temple, mais je ne retrouverai pas le lieu. Une vieille sort de chez elle et me demande un bakchich parce que je vais prendre sa maison déglinguée en photo. Je remballe le matériel.

Le temple d’Hatchepsout (connu) est sobre, très joli, encastré au pied d’une haute falaise. Parfaitement dégagé de son sable et remonté. Un peu partout, sur les lieux « incontournables », je retrouve les groupes. La onzième plaie d’Egypte ! Envahissement, encombrement, inertie et commentaires. « Ramsès 6, c’était bien le fils de Ramsès 5 ? – Euh non, je crois que c’était son frère – de quelle dynastie déjà ? – on va demander à Rachid quand on reviendra tout-en-camion – haha sacré Anthony – et tu as vu Evelyne, elle est tout-en-nichon – hahahahahaha – et vous n’avez pas eu de ballonnements après le dîner d’hier soir ? – Ma foi non, mais ils auraient dû nous prévenir que le petit déjeuner était avancé, du coup j’ai mangé tout trop vite – Et les momies, elles sont tout-en-carton ? – Et c’est quand qu’on la voit Cléopâtre ?... » Bref…

Un truc à dire à propos des prix des sites, comme je l’ai déjà évoqué. Ils ont augmenté très récemment d’au moins le double. Par exemple, le Petit Futé, dernière édition tout fraîchement sortie des rotatives, indique que le prix d’entrée à la Vallée des Rois est de 260LE. Il est en réalité de 600LE. Belle inflation. Attention, gens des circuits où on vous indique que tout est compris, sauf les boissons alcoolisées, les achats personnels, les pourboires, les massages coquins et l’entrée dans les sites. Pour ce dernier poste, c’est un vrai budget à compter. De plus, le paiement est obligatoirement en carte bancaire, ce qui n’est pas avantageux car c’est au change officiel.

Ce qui m’agace surtout est autre chose. Si ces tarifs ne nous conviennent pas, nous ne venons pas et voilà tout. C’est le fait les lieux et gens qui environnent les sites ne semblent pas profiter de la manne touristique. Les sites archéologiques et musées sont propriétés de l’Etat qui se lance dans des grands projets (Nouvelle ville du Caire par exemple). Comment répartit-il les revenus ?

Sinon, mais ça ne me concerne pas, le paquet de cigarette revient à peu près à 2€ (10€ chez nous ?) et le litre d’essence (92 ici) est à 0,35€. Un chauffeur me dit que c’est cher pour eux.

La grimpette pour l’entrée de la Vallée des Rois est longue et en montée régulière. Quelle que soit mon orientation, j’ai le vent de face. Je me fais doubler par cars et vans. Allah-Philippe, qu’il soit vénéré, me donne du courage. J’arrive exténué, mais content de l’effort. C’est dans la descente qu’on réalise que ce n’est finalement pas bien loin. J’ai vu un fennec dans la montée.

Il ne faut pas omettre de jeter un œil sur la maquette plexiglas à l’entrée. Elle présente le terrain en surface et son dessous avec le cheminement des tombes profond sous terre. Et tout ce bazar, ça a duré des siècles au bénéfice de régnants mégalomaniaques. On en profite aujourd’hui parce que c’est joli, mais, à ces époques où les syndicats n’existaient pas et où c’était bien facile de manipuler les populaces, ces entreprises « pharaoniques » dépassent aujourd’hui l’entendement. Creuser dans la pierre, évacuer, sans lumière, avec les outils d’époque, tailler, contenter le seigneur… L’entrée donne droit à la visite de trois tombes. Certaines tombes, plus populaires, mieux conservées ou avec une très grande valeur, sont payantes en plus. Je paye pour celle de Ramsès V et VI (dont je peux dire maintenant qu’ils étaient frères), très profonde, très colorée, magnifique, avec un énorme sarcophage de granit au fond. Je visite aussi celles de Ramsès IX, Ramsès III et Seti II. Cette dernière est inachevée. Les décors sont juste esquissés en rouge. Elles sont toutes fréquentables malgré le nombre général. Je fais plein de photos au téléphone (à cause de la faible lumière) dont je ne saurai pas trop quoi faire. Peut-être les scroller dans le métro ? 

Pendant que nous discutons de descente d’organes et des dents de sagesse de sa belle-mère, Mahmoud me demande si, et espère que je ne suis pas pro-israélien. Je botte en touche.  Et si je suis libre ce soir. Il se trouve que je suis libre. Comme tous les soirs. Il y a mariage et on peut aller y manger. Mais je n’ai pas d’habits pour aller à un mariage. Pas de souci, comme tu es, c’est très bien. A 18h, il m’embarque sur sa moto, calés entre nous deux ses deux jumeaux de 8 ans, Hussein et Ahmad. Nous arrivons dans un lieu où, sous une gigantesque tente, une sorte d’imam sur scène harangue je ne sais qui ou quoi, puisque devant lui, il n’y a à peu près que des chaises vides. Je comprends pourquoi d’ailleurs, ils sont tous dans la tente d’à côté où est servi le repas. Il n’y a que des hommes. J’ai bien fait de ne pas me mettre en frais pour m’habiller. Ils sont crasseux comme d’habitude, avec leur galabieh qu’ils doivent porter depuis trois mois et leur chiffon qui tient lieu de turban, d’essuie sueur et de mouchoir. Aucun n’a fait de frais de rasage. Deux grandes tables d’une vingtaine de mètres de long et on s’assoie de part et d’autre et on picore avec les doigts et le pain dans les morceaux de viande en sauce et légumes. On ne m’a pas demandé de me laver les mains, donc personne ne l’a fait non plus. Bon, après ça, je serai immunisé et puis voilà. Tu parles d’un repas de mariage, c’est ce que je mange tous les jours. Et où sont les femmes (avec leurs gestes qui désarment) ? Mystère. Je ne comprends rien à l’affaire. Et Mahmoud avait juste envie de manger de la viande à l’œil ! Tout se passe très vite. A 18h30 on est rentré. Je n’ai rien compris. Je ne sais pas à quoi ressemblait les mariés ni si le mariage a bien été consommé dans les règles islamiques..

Dernière soirée face à Louxor. Je la passe avec une belge qui habite en Bretagne et dont les parents sont dans le Var, et qui pense que les parisiens ne sont pas si bougons qu’on le dit. Elle passe un mois seule en Egypte, son rythme, qui semble très lent. On parle du monde. 

Départ 8h, c’est Nubi mon chauffeur. Nubi a la cinquantaine, parle très bien anglais, très propre sur lui. Il a trois filles. L’aînée de 21 ans est mariée et a déjà deux enfants. La suivante de 17 ans finit son cycle d’école et se mariera vite ensuite. Comme beaucoup de femmes, elle ne travaillera pas à l’extérieur du foyer. Elle donc destinée à être un ventre, une bonne ménagère et une mère Mina est tellement péremptoire que je n’ose lui demander si c’est sa propre décision et si ce sera un mariage arrangé. Sans certitude, je pense que ce sera le cas. On remonte vers Le Caire en trois jours. Premier arrêt à Dendera, temple qui n’a pas l’air mieux que ça de l’extérieur, mais qui est très joli et coloré à l’intérieur. Il est dédié à Hathor, divinité spécialisée dans l’amour et la beauté qui, comme chacun le sait sont étroitement liés. Pauvres d’eux les moches… Hathor est représentée avec deux cornes de vaches et le disque solaire entre les deux. On la voit partout. Aucun vide n’est laissé sur les murs, c’est qu’ils avaient des choses à raconter les pharaons… Un petit groupe habillé en égyptiens d’il y a 3.000 ans semble tourner un film, un peu circassien. Au check point suivant, la voiture est inspectée au miroir sous la carlingue. Le policier ne souhaite pas qu’on emprunte la route prévue (question de sécurité eu égard à ma personne, mon œil). Un petit billet de 20LE le fait changer d’avis.

Deuxième destination, le temple d’Abydos, consacré à Osiris, celui qui s’est fait couper la tête par son frère Seth, mais qui a été ressuscité par sa femme et sœur Isis ave laquelle il a eu un fils Horus… C’est là que je réalise que les temples, maintenant, ça suffit. Et on continue sur des routes défoncées, parfois coupées, parfois déviées, vers la ville de Soyag dans les environs de laquelle se trouvent des monastères coptes. Dans la région ils sont nombreux. Au monastère blanc, hélas en travaux, je tombe sur une tripotée de gamins heureux de me voir et de me parler, et moi aussi. L’un d’eux me demande si je suis propalestinien. Je rebotte en touche. Sur le coup j’aurais pu répondre affirmativement sans dommage. Il n’y a pas de nuance ici sur le sujet. 

Plusieurs choses pullulent en Egypte :

Les Peugeot 504 pourries, cabossées, mais qui roulent. Comme je l’ai déjà écrit, mon grand-père en avait une. Dans mon souvenir de gamin, c’était une grande voiture familiale, alors que maintenant pas du tout, je la trouve étroite et à vrai dire pas très belle. Je n’en ai jamais vu autant qu’ici. Beaucoup ont des plaques allemandes sur lesquelles ont été vissées des plaques égyptiennes. Il faudra que j’enquête sur ce trafic mystère.

Les ânes et des dos d’ânes. Les ânes d’abord. Là encore je n’en ai jamais vu autant de ma vie. Ils sont essentiels au paysan. Chacun en a un ou deux. C’est en quelque sorte l’esclave de la famille. Je n’envie pas leur sort. Ceci dit, s’ils étaient inutiles à l’homme, il n’y aurait plus d’âne.  

Et puisqu’on, parle d’ânes, évoquons leur dos, les dos d’ânes, les ralentisseurs, la douzième plaie d’Egypte ! Aucun driver ne les glorifiera. Et c’est forcément de la responsabilité du gouvernement. Ils sont partout. Certains sont très sévères. Les voitures normales les abordent presqu’à l’arrêt. Ce sont de véritables arrêteurs. De manière générale, je n’ai entendu personne dire du bien du gouvernement, mais mon panel de sondés est réduit.

Policiers et armée, ils sont discrets mais partout. On sait maintenant où va l’argent.

On fait beaucoup de route aujourd’hui et on n’atteindra pas Al-Mynia comme prévu. Pas grave, direction Assiout, grande ville où nous passerons la nuit. Nous allons chercher la grande route du désert, plus rapide. Le contraste est saisissant et immédiat entre les vastes zones vertes de cultures (blé, trèfle…) qui avec les palmiers tout partout, font penser à des rizières et paysages d’Asie. Et le désert jaune impitoyable. La large route bitumée est empruntée par de nombreux camions qui ont formé des ornières profondes avec la chaleur. Ils auraient pu y penser, les fonctionnaires, quand il a fallu choisir le revêtement qu’il faisait chaud dans leur pays et que la route serait empruntée par des camions. J’espère que le Ministre des Routes a été pendu ! Enormément de tomates parce que c’est la saison du côté de Louxor et d’Assouan. En été, le climat sera plus favorable (méditerranéen) entre Le Caire et Alexandrie. Autre monastère parmi d’autres qui pullulent dans la région, celui de la Vierge Marie, à une heure de route d’Assiout Beaucoup de monde, c’est un endroit de pèlerinage, le Christ (celui qui s’amuse à multiplier les petits pains et marcher sur l’eau alors qu’il y aurait bien mieux à faire, comme par exemple s’occuper de laa paix dans le monde) aurait séjourné dans une grotte ici avec papa et maman avant leur fuite d’Egypte. La plus vieille église du monde serait ici.

A la sortie du monastère, nouveau check point. Cette fois-ci, les policiers veulent qu’on attende deux heures une voiture de police pour nous escorter vers Al-Minya. En réalité, ils songent à leur bakchich, personne n’est dupe. Un billet de 100LE passe d’une main à l’autre et l’affaire est réglée. Plus besoin d’escorte policière. Je tanne Nubi de se renseigner s’il n’y a pas un souk dans les parages. Bingo ! Voilà un marché de fruits et légumes essentiellement où je m’éclate. Les gens ne voient pas passer les touristes dans le secteur. Ils sont donc chaleureux, veulent tous leur photo et s’amusent de la regarder. Il y en a un qui veut entendre ma voix. La voix d’un occidental, vous imaginez l’affaire. La route que j’emprunte, à l’ouest du Nil est assez inédite pour un étranger. Le chemin habituel est à l’est du Nil et plus rapide. Les touristes, qui ont en général leur temps plus compté que moi, vont directement du Caire à Louxor où démarre véritablement la Haute Egypte et ses temples. Nous pénétrons dans une région de Moyenne Egypte qui s’appelle le Fayoum, région agricole, les églises côtoient les mosquées. La route est poussiéreuse et cabossée.

Nous allons au plus vite, c’est-à-dire lentement, jusqu’à notre point final de la journée, Tunis. En Egypte, il y a Tunis, mais aussi Bagdad, Paris et certainement d’autres… Tunis est une bourgade installée au bout du lac Qarun, village d’artistes et de potiers plus propre que la moyenne et très calme. Ça fait du bien.

Retour tranquille vers Le Caire, j’ai un vol pour Dahab demain. En chemin, arrêt aux pyramides de Dachour, la rouge et la tromboïdale. Les plus anciennes à avoir la peau lisse (au derrière ?). Je pénètre dans chacune et jamais je ne recommencerai. On grimpe d’abord jusqu’à l’entrée une trentaine de mètres. Puis on entre, descente longue et en goulet, cassé en deux. Il fait chaud. Arrivé en bas, deux grandes salles très hautes en chapeau pointu, et on grimpe des escaliers pour être au plus près du toit. Toujours la même question, comment ont-ils fait pour monter et assembler ces énormes blocs… La remontée à l’air libre est encore plus ardue. Je voudrais voir l’entrée du nouveau Grand Musée Egyptien qui n’a encore que deux salles ouvertes à un prix décourageant, environ 30€. Malgré google map et ses petits frères, on ne trouve pas. Tant pis, j’y reviendrai peut-être… dans dix ans… quand il sera enfin terminé.