4 – DAHAB – ALEXANDRIE – SIWA – LE CAIRE


Salam Alaiqum

Alors voilà, pendant qu’on papote entre nous, il y en a parmi vous, mes destinataires, qui partent ou qui reviennent. Un part vient d'arriver en Nouvelle-Zélande sur les traces de son papa. Deux reviennent du Maroc, ils ont bourlingué autour de Marrakech. Deux sont au Sri Lanka et tournent dans le sens des aiguilles d’une montre pendant un mois. Deux encore (les gens adorent voyager à deux) sont en pleine nature sauvage vers l’Argentine, le Chili et la Bolivie. Et puis il y a celle qui est partie vivre en Espagne. Et puis il y a celle encore qui vient de rentrer en Jordanie où elle travaille, nous sommes temporairement presque voisins. Ça va, vous bougez bien. A quand les blogs ?  

Bien content de quitter Guizeh. A part la guesthouse familiale de mon arrivée où je suis retourné pour être au calme et éviter Le Caire, ça a fait flop. Le harcèlement des touristes (dont moi) m’a semblé plus insupportable que d’habitude. Les déjections des chevaux et dromadaires plus nauséabondes. Je me suis fait arnaquer sans réagir d’une soi-disant taxe gouvernementale de 26,666666667% au restaurant. Je surprends des gars frapper violemment des chevaux sans raison. Et aussi un connard sur un chien qui passait à sa proximité avec une cravache (en réalité un fouet). Comme je suis là et vois la scène, j’engueule le type qui me répond « Sorry sir ». Il a l’air sincère, mais il recommencera.

Règle numéro 1753 : on ne monte pas sur les animaux quand ce sont des attractions pour touristes (dromadaires, éléphants, chevaux, calèches…). Ils sont maltraités la plupart du temps. 

Je prends mon envol pour Dahab. 1h30 de vol pour Sharm-el-Sheikh au sud du Sinaï. J’y étais venu il y a un bail avec Joseph qui n’avait pas 2 ans et sa mère. C’était alors une station balnéaire tranquille, qui n’avait pas subit le développement atroce d’aujourd’hui. Nous avions réservé une petite semaine pas trop chère dans un hôtel familial tout compris qui s’appelait le Dolfin Machin-chose. Je me souviens que nous avions été obligés de payer en extra trois dîners pour le réveillon. L’accès à la plage était totalement libre et c’était magnifique rien qu’avec masque et tuba. C’était sans doute une des premières fois où je me baignais dans une mer en plein hiver. Aujourd’hui, les hôtels ont privatisé leur bout de plage, le Dolfin Machin-truc n’existe plus depuis longtemps, remplacé par une structure plus lucrative. Bref, fuyons Sharm-el-Sheikh qui doit de plus être plein de russes. Je me fais transférer à Dahab qui se trouve 80 kms au nord. C’est la bonne heure, fin d’après-midi. La route n’est pas côtière et nous passons derrière les montagnes inondées d’une lumière orange magnifique. Dahab est une petite station balnéaire plus tranquille, mais jusqu’à quand ? ll n’est pas la peine d’avoir de bons yeux pour voir les montagnes d’Arabie Saoudite en face. Plus au nord encore, à 150kms, c’est la pointe sud d’Israël et de Jordanie, tout le monde prend son petit bout de Mer rouge. Les agences proposent d’ailleurs des trips vers Pétra à la journée. Je ne sais pas si cela fonctionne en ce moment. Vers Jérusalem aussi, euh…

Ma chambre d’hôtel n’est pas prête et ne correspond pas (en taille et en équipements) à la description sur Booking. On va se faire la tête pendant tout mon séjour je pense. Le développement touristique est plus récent. Autrefois village bédouin, il reste encore de la population locale (et des moutons). Mais je pense qu’elle aurait tort de ne pas serrer les fesses. Pas de constructions grandiloquentes, mais sait-on jamais dans ce pays qui cherche par tous les moyens les solutions lucratives. Du temps où Israël avait annexé le Sinaï, on fumait la marie-jeanne à Dahab. Plus question de ça maintenant.

Je dis Adieu à mon petit sac à dos TheNorthFace gris clair qui me suit partout depuis des lustres. Fermeture Eclair cassée. Je le remplace par un sac similaire violet qui durera moins longtemps. Je m’apercevrai plus tard qu’il est « Made in China », arghhhhhhh… Mais pouvons-nous faire autrement ? Je l’ai trouvé dans la longue allée piétonne qui longe la mer, avec de chaque côté restaurants et boutiques. Les boutiques semblent plutôt mieux qu’ailleurs, meilleures présentations, plus de variété. Des références aux bédouins dont le tourisme occupe l’espace. D’ailleurs ici, on se traite de face de bédouin et non face de babouin, pour la raison simple qu’il n’y a pas de babouin ! C’est plutôt plaisant. Il y a du monde, beaucoup de jeunes égyptiens, ce doit être les vacances. Des jeunes cairotes bien habillés. Les blancs-becs sont noyés dans la masse. J’entends beaucoup parler russe. Quelques enseignes (pas trop) sont en russe d’ailleurs. La nuit même, je rêve de Poutine ! Assis sur un canapé rouge, en discussion avec des touristes occidentaux sous le regard de caméras. Il est jovial et chaleureux, convaincant. Ouf, ce n’est pas le bon ! Ça me fait bizarre. On peut manger de tout, des tagines, des pizzas, du poisson (ah quand même !), du chinois, du thaï, de l’indien… Au matin, c’est plus calme, les égyptiens cuvent leur orangeade. Quelques boutiques vendent de la bière, du vin et de l’alcool, sûrement de la vodka. Il ne faut pas décourager les occidentaux. Même pas envie ! Qu’on ne s’attende pas à un reportage photographique fourni de la ville. La promenade s’étend loin jusqu’à une plage publique, vaste et un peu sale. Il faut oublier le sable blanc et les cocotiers. Seule compte la mer (Michel ? Denis ?). 

Je loue un masque et un tuba (0,50€ pour la journée) et vais faire trempette. L’eau est excellente, pas trop chaude, et surtout transparente. D’abord en bordure de ville, tout de suite d’énormes bancs de petits poissons gris avec arrête bleutée. Combien sont-ils autour de moi ? Des millions ! Sans rire. Aussi d’élégants poissons longs et fins comme des tubes, verts et plus espacés. Rien d’autre là où je me trouve. Alors je loue un vélo pour me rendre au Blue Hole (et non Glory Hole comme certains aimeraient m’entendre écrire !). 10 kms aller, pareil pour le retour 😊. C’est relativement plat, les capacités du vélo et/ou celles de mes jambes aujourd’hui, n’accepteraient pas de grandes montées. Et je plonge dans le paisible et vaste aquarium naturel. Trop vaste pour que j’en rapporte un bout. Des bleus, des jaunes, des violets, des rouges, certains de toutes ces couleurs. Un grand mur de corail multicolore. Et je me dis que je n’aimerais pas être un poisson à passer mes journées à picorer dans le corail et à nager. Et à recommencer le lendemain. Les hommes sont émerveillés par les petits poissons. Je ne pense pas que la réciproque soit juste. A ma sortie de l’eau, toute la jeunesse en vacances rapplique. Il était temps. Les garçons sont en slip ou caleçon de bain normal. Pour les filles, c’est plus diversifié. Les tout habillées. Celles qui conservent leur voile autour des cheveux et pour le reste restent correctes. D’autres encore, dénudées à l’occidentale, monokini plutôt, des bikinis (parfois extravagants) aussi, les cheveux libres. Elles se mélangent sans esprit communautaire. Arrêt devant tout ça, affalé sur des coussins, à regarder, à manger et à lire. C’est tranquille. 

Je m’inscris à un tour pour le White canyon et le Coloured canyon. Nous sommes huit à l’arrière du pick-up. Quatre jeunes égyptiens qui mettent du rap à fond sans demander et ne tardent pas à l’éteindre quand le chauffeur allume la radio qui clame le Coran. Une irlandaise toute fine qui est venue passer dix jours pour plonger. Un couple hollandais d’Eindhoven avec un bébé d’à peine un an. La petite est sociable et passe de mains en mains. Les trois européens sont de grands voyageurs. Ils ont multiplié les départs lointains. Je sors de la conversation et regarde le paysage (superbe de désert et montagne) quand cela devient un peu trop catalogue de destinations. L’accès au White canyon est impressionnant. Il faut descendre en quasi rappel le long d’une paroi abrupte. On ne m’avait pas prévenu. C’est un peu dangereux, rien pour s’assurer. D’ailleurs, mon assurance marcherait-elle en cas de pépin au White canyon ? La roche est très belle. J’aime bien parler à l’irlandaise. Je perfectionne mon anglais. Paysage superbe. Arrêt lunch dans une oasis où les enfants sales déploient devant nous des petits bazars à acheter sans trop de succès. Et c’est parti vers le Coloured canyon. Le 4X4 s’amuse dans le sable épais. On n’est pas bien au Dakar ? Il y a malentendu avec le Coloured canyon. Les photos d’appel représentent un univers rose à rouge dans lequel on croit qu’on va déambuler, mais ce sont en fait quelques petites cavités (sublimes) sur les bords. Les photos déforment la réalité.

 

Je trouve un billet de 1LE dans ma poche gauche. Il s’agit de la poche où je mets mes petits billets, jusqu’à 50LE. 1LE équivaut à 2 centimes. Je n’en ai jamais eu besoin jusqu’à présent puisque les prix de cxe que j’achète sont des multiples de 5. Dans ma poche droite se trouvent mes billets de 100 et 200LE. Dans quelle transaction a-t-on bien pu me remettre ce billet en lieu et place d’un autre plus élevé ? Cela ne va évidemment pas bien loin mais il est très peu de pays où je me suis fait « arnaquer » en telle quantité, parfois en conscience, mais certainement souvent de façon perfide. Le touriste, qui génère 10 à 20% de l’économie du pays, est la proie.

Règle numéro 157 : toujours vérifier sa monnaie. C’est valable en France mais vraiment aussi dans les pays touristiques, d’autant plus s’ils sont « pauvres ».

Et puis cet épisode à l’aéroport de Sharm-el-Sheikh. J’achète une petite bouteille d’eau, le prix est de 30LE. Je donne deux billets de 20LE au type du comptoir. A peine subtilement, il fait glisser un des deux billets derrière le comptoir et me réclame 10LE. Je l’ai vu faire sacrebleu 😊. Je lui dis, le traite de voleur, il hausse le ton, moi aussi. Du coup je lui crie DON’T MOVE en le regardant dans les yeux. Ça le tétanise juste le temps que je contourne le comptoir et trouve le billet à ses pieds. Je le fusille du regard, je sais très bien fusiller du regard, je ramasse le billet et m’en vais. Il n’aura qu’à payer la différence… Je suis très satisfait de mon coup.

En revanche, dans les trams d’Alexandrie et pour acheter des petites choses et gâteaux dans les quartiers misérables, ils sont très honnêtes. Il y a même un vendeur qui m’a coursé pour me rendre 3LE de monnaie sur mon billet de 10. 

Retour tranquille au Caire où je ne passe qu’une nuit car bus à l’aube pour Alexandrie. Sur la route de l’aéroport, durant deux bons kilomètres sont en enfilade des grandes affiches éclairées représentant le président Al-Sissi en plusieurs situations, serrant des mains, en famille, visitant une entreprise… Un peu comme la série des Martine, Martine à la plage, Martine se met des bigoudis, etc. Deux seules affiches le représente serrant la main d’un président étranger. Devinez lesquels ? Bingo ! Poutine et Xi-Jinping ! Des mentors en culte de la personnalité ? On voudrait se montrer dictateur, on ne ferait pas plus. Ah bon ? on serait en dictature ici ? Mais bon, il faudrait quand même museler opposants et manifestants pour cela, les mettre en prison sans raison, les torturer, voire les faire disparaître ou bien manipuler l’opinion, diffuser de fausses informations, se mettre dans la poche l’armée et la police, favoriser la corruption des élites amies, empêcher des candidats à se présenter aux élections sous des prétextes fallacieux, truquer les élections pour être officiellement élu à 97%, faire construire une nouvelle ville administrative bunkerisée… Non ? Ah vous êtes sûrs ? Ça aussi ? En 2019, Macron l’invite au G7 à Biarritz. En 2020, en catimini, il le décore du plus haut grade de la légion d’honneur alors qu’Amnesty International, Human Rights Watch et d’autres ne cessent de dénoncer les exactions. Bienvenue chez Guignol. On va nous parler de géopolitique, matière réservée aux hautes sphères qui décident pour nous. 60% de la population égyptienne vit sous le seuil de pauvreté alors que les budgets de l’armée sont en croissance exponentielle.

 

Alors pourquoi venir ici faire du tourisme ? A ma décharge (privée), je n’avais pas conscience du phénomène. L’intérêt de mes voyages, gentilles immersions, est de m’informer sur place, lire, interroger… Je reste certes en retrait, je ne suis pas acteur. Et à regarder de près la carte du monde, si on devait ne pas aller dans les pays en guerre ou à régime autoritaire ou insécures, on resterait à Garches ou Orléans et on regarderait la télé qui ne nous informerait que de manière partielle et rapide sur ce qui se passe dans le monde (c’est si loin que ça nous concerne si peu) avant d’en faire des tartines sur un mot mal venu d’une ministre de l’éducation inconsciente de la faiblesse des débats politiques dans un pays qui ne s’aime pas et ne cesse de s’opposer. Je m’interroge sur l’opportunité d’aller faire le tour de la mer de Marmara en Turquie au prétexte de clore le chapitre de mon grand-père. La question Erdogan me pose problème. Alors pourquoi pas cette même interrogation préalable pour l’Egypte ? Je m’arroge le droit à la méconnaissance et à la mauvaise foi temporaire. 

J’ai dégotté un palace à 475LE (9€) dans un immeuble dont j’espère qu’il ne s’effondrera pas cette nuit. L’ascenseur est du même acabit, plutôt monte-charge. Il ne sera pas difficile d’en sortir s’il tombe en panne, c’est tout ouvert. Cela a dû être resplendissant à l’avant dernier siècle. Je trouve que cela a un certain charme malgré tout. Et puis, je suis seul à l’étage, on est aux petits soins pour moi. L’hôtel est bien placé, à deux pas de la fameuse place Tahrir de triste mémoire. De très beaux et imposants immeubles qui datent de la resplendissante Cairo, cosmopolite, perle du début d’Orient. Et les anglais sont arrivés. Comme d’habitude n’ont rien laissé. Place à des dictatures successives. Aujourd’hui une économie qui bat gravement de l’aile. Le tourisme en berne ai-je lu quelque part. Une inflation qui galope toujours plus chaque jour, d’où la recherche d’approvisionnements en monnaies stables, le dollar et l’euro. A ce propos, j’ai changé des euros aujourd’hui au marché noir. 60LE pour 1€. Au début de mon séjour, j’avais changé à 45LE. Je m’étais certainement fait un petit peu avoir. Et mon taxi me dit que c’est maintenant 65LE. Quand on pense que le cours officiel est à 33LE, ça rend les prix du simple au double. Donc un conseil d’ami (sans commission), venez en Egypte avec du cash. 

Trois heures de bus pour Alexandrie. Le proprio de mon appartement vient me chercher à la gare routière. C’est cool, d’autant que c’est assez éloigné. Ma première impression de la ville ? Je suis un peu dérouté. Alexandrie est bien détériorée et n’offre pas d’emblée l’impression d’une jolie petite ville méditerranéenne. A l’image de l’Egypte. C’est tout de même une bourgade de huit millions d’habitants ! Certes rien en comparaison des vingt millions ou plus du Caire. Je ne resterai pas suffisamment longtemps pour percevoir les différences entre les deux cités. Mais je resterai un jour de trop (les aléas des réservations). Alexandrie, qu’on appelle Alex, est détériorée donc, détruite, déglinguée, désarticulée, démolie, déconstruite, délavée, décatie, dépecée, défraichie, dégondée, désossée, détraquée, défigurée, déshonorée… Et ça me rend désabusé, désarçonné, dérouté, dépité, déboussolé, déprimé, désappointé, désespéré, déstabilisé… à la limite de me défenestrer s’il y avait une ouverture adéquate dans cet appartement. Mon apparteCelui-ci, vieillot comme la ville, est assez excentré dans un quartier populaire. Mauvaise pioche pour une fois. Le proprio, Ahmed, est venu me chercher à la gare routière très éloignée, je comprends pourquoi maintenant. Il m’y redéposera.

Mais c’est la première prise de contact, je vais trouver la clé. Un tram, construit dans les années 30 au moins, me permet de me brinqueballer au centre et à l’ouest de la ville, là où se trouvent les intérêts. Dans celui que j’emprunte, les sièges sont en lattes de bois vernis, et me rappellent le métro parisien de mon enfance, le wagon de 1ère classe rouge qu’encadrent à l’avant comme à l’arrière deux wagons de 2ème classe verts. La ville est très étirée. Et puis le temps est au gris. S’il ne pleut pas, c’est qu’il va pleuvoir, la chaussée est mouillée. Très bel arc-en-ciel complet sur la mer en fin de journée.

Une question me taraude : si Alexandre le Grand s’était appelé Jean-Paul, comment aurait-il appelé la ville ? J’y réfléchis en me faisant servir du foie de veau dans un petit restaurant de rue. Excellent.

En général je m’en sors en allant chercher des images à pied, vers un but qui peut être touristique, mais dont il s’avèrera que le chemin me procurera plus de réjouissance que la destination.

Il pleut comme vache qui pisse. Bloqué à l’appartement. J’ai un bon bouquin, « J’ai couru vers le Nil » d’Alaa al-Aswany, destins de plusieurs égyptiens pris dans les événements de la place Tahrir du Caire de 2011 (qui ont amené la démission d’Hosni Moubarak). Je suis captivé (et horrifié). Il fait très froid et humide dans cet appart sombre, et je choppe la crève. Je sors à la première accalmie. Je passe par et dans la cathédrale Sainte-Catherine. Il y a messe d’enterrement. Le cercueil est tout blanc. Je sors avant les condoléances et le soleil apparaît. Je refuse d’y voir l’intervention de la sainte vierge, ni la main de Dieu ou celle de Maradona. Et je m’enfonce dans des quartiers d’une pauvreté sans nom. Il y a des flaques partout. Et d’énormes tas d’ordures. Des petits troupeaux de moutons aussi. Il faut slalomer. Je prends les devants et envoie des salam alaiqum en veux-tu en voilà. Et ils en veulent qui me répondent avec de larges sourires, des « where do you come from », des « what is your name ». Je prends des photos, j’envoie par whatsapp, on me remercie. Il y a bien ce jeune petit con d’à peine dix ans qui me demande de l’argent, et qui me poursuit avec sa bande de mioches en m’abreuvant de « Fuck you » comme les chiens qui aboient mais restent à distance. Je ne risque rien, sa nouille (son petit penne) ne me ferait pas plus d’effet qu’un suppositoire. Une petite gueulante et ils se débandent (si toutefois ils avaient pu bander) !

Au marché de poissons, j’arrive trop tard, il me fallait plus d’une heure pour y arriver. Les petits poissons restants sont regroupés par genres dans des petits casiers. Je me dis après coup que tous ces petits êtres étaient vivants la veille et qu’ils vont bien manquer à leurs familles. Fallait pas se laisser attraper. De retour sur la corniche, c’est selfies à gogo. Une scène me fait bien rire. Celle d’une jeune fille en niqab noir (voile intégral, on ne voit qu’à peine les yeux) qui se prend en photo avec une copine moins vêtue. Cliché pour sa mère ou pour un éventuel fiancé ? Ce dernier ne pourra donner son opinion que sur la plastique de la copine. Mon réflex n’est malheureusement pas prêt pour la scène. La nouvelle grande bibliothèque alexandrine (l’autre a brûlé il y a des siècles et des siècles, amen) est superbe. On entre à pas feutrés comme dans une église, il y a des gens qui étudient. Le sous-sol fait l’objet de plusieurs expositions temporaires très bien d’artistes du cru. Petit musée à la gloire d’Anouar-et-Sadate instructif aussi. Je suis fourbu, mes jambes flageolent, j’ai dû faire 15 kilomètres à pied et user mes souliers qui ne sont déjà pas en bon état. Je ne ressortirai pas ce soir, je finirai les dattes, un yaourt et au lit.

Bus de nuit, huit heures de route, arrivée à 6h du matin à l’oasis de Siwa. Je file directement à la guesthouse où je roupille trois heures sur une paillasse, frigorifié. Dans cette partie de désert, aux confins ouest de l’Egypte (la Lybie est à 40 kms), il fait 5-6°C la nuit. C’est une très vaste oasis, moyenne ville traditionnelle, qui s’est découverte un attrait touristique. L’afflux est encore raisonnable du fait de la distance, mais certain. Je loge dans l’enceinte même de la forteresse de Shali (XIIIème siècle) construite pour protéger la cité des attaques bédouines. A ce propos, une confusion circule ici. Quand vous dites à quelqu’un que vous allez voir « la bédouine », qu’il n’aille pas croire que vous vous rendez à un rendez-vous coquin. Vous allez en fait rencontrer « l’abbé Douine » auquel vous allez confesser vos péchés (de chair pourquoi pas si vous êtes un peu trop allé voir la bédouine). Bon bref…La forteresse de Shali a été abandonnée au début du XXème siècle après que des pluies inhabituelles aient endommagé durablement sa structure de pierre de sel (lacs salés dans les environs) et d’argile. Avec le tourisme, un instinct de conservation s’est révélé et plusieurs parties sont remontées. Il y a du boulot. L’ensemble est magnifique. Pas mal de boutiques à touristes à ses pieds. Restaurants et boutiques de la vie locale aussi. Je préfère aller boire un thé à 10LE sur la terrasse très bien d’un bar à shisha plutôt qu’à la terrasse très bien aussi d’un café à touristes dix mètres plus loin pour 25LE. Allez savoir pourquoi. Ma guesthouse a vraiment beaucoup de charme, authentique, des recoins partout, ma chambre est un peu petite comme une cellule monacale.

Dehors, les gamins (garçons évidemment) tiennent les rênes des charrettes à ânes ou conduisent les tricycles à moteur. Je brave la maladie et loue un vélo vers les lacs salés. 25 kms aller-retour. C’est tout plat, mais sur le retour je suis exténué. Je m’arrête une demi-heure à regarder dans le vide, tous les 500 mètres. Je zappe le temple d’Amon parce qu’il y a une petite montée, et puis les Bains de Cléopâtre car je loupe la bifurcation. Le lac est une vaste étendue salée aux abords sales de détritus. Si on mesure le niveau de fécondité d’un pays au nombre de couches usagées semées comme si elles allaient repousser, l’Egypte serait la championne ? Des pyramides de sel plus loin et quelques bains où on peut se baigner. Nous sommes vendredi, beaucoup de cars égyptiens, du monde, je ne fais pas trempette. Je rentre me coucher et je roupille grave. Je sors de la pharmacie, ça va déjà mieux. Je constate de nouveau ici une recrudescence de chinois en petits groupes ou individuels. Ils sont jeunes, élégants, parlent très bien anglais, disent bonjour, travaillent sur leurs portables, organisent leur emploi du temps en toute liberté et descendent dans des hôtels et guesthouses comme les miens. Vraiment inhabituel. J’interroge Abdu mon logeur sur le phénomène. Il n’a pas d’explication si ce n’est que c’est le nouvel an chinois, mais c’est nouveau cette année. Il se trame quelque chose, moi je vous le dis, vous aurez été prévenus.

En ce moment j’ai des crampes qui peuvent être insoutenables aux pieds et jambes. C’est sans doute parce que je ne bois pas assez. Si je ne bois pas assez, c’est que je n’en ai pas tellement envie, autant que d’aller faire pipi toutes les cinq minutes. Dilemme. Ca me rappelle un vieux dicton de quand j’étais jeune séminariste à la cure de Sainte-Croix-la Poussiéreuse : « si t’as les crampes et si l’urée t’endure, ne te prends pas d’une pouffée de rire ou tu te pisseras dessus » 😊

Comme je suis un garçon plutôt convivial, je laisse entrer les moustiques dans ma chambre. Ils sont moins mes amis au matin ! Je vais marcher vers la Fathnas Island, l’impression de marcher dans la campagne si on fait exception des palmiers, alors que nous sommes en plein désert du Sahara ! D’ailleurs, de désert, je n’en verrai rien car venu et reparti par deux bus de nuit. Un comble. C’est ce soir que je repars vers le Caire où je passerai deux jours et ce sera la fin de ce premier épisode hivernal.

Portez-vous bien et bonne suite à ceux qui nous quittent 😉


MON BILAN CARBONE

Il est forcément mauvais avec les avions, alors parlons d’autres choses.

J’ai parcouru environ 6.000 kms. Le pays est vaste, deux fois grand comme la France (pour près du double d’habitants), mais 96% du territoire est du désert. Ainsi, la concentration humaine est particulièrement dense dans les grandes villes (Le Caire, Alexandrie, Assiout…).

 

J’ai fait près de 1.200 photos. J’en ai posté près de 300 sur Travelmap. Voici mes préférées.

Le voyage m’aura coûté à peu près 3.000 € pour 33 jours sur place (90 €/jour). Près de 40% ont été consacrés aux visites et circuits, ce qui est plus conséquent que d’habitude en ce qui me concerne. Les hébergements auront été raisonnables avec une moyenne de 19€/nuit. Pour la nourriture, c’est plus qu’abordable.