Parenthèse monétaire : Subtile manœuvre de Narendra Modi, premier ministre de l’Inde, le 8 novembre 2016 : il procède à la démonétisation surprise des billets de 500 et de 1.000 Rps (soit 86% de l’argent en circulation). Date d’effet dès le lendemain 9 novembre 2016. La subtilité tient dans la surprise, mais aussi dans la date, qui coïncide avec l’élection de son ami Donald à la présidence des Etats-Unis. Ainsi, personne ou presque n’a entendu parler de cette décision dans le monde, les média ayant d’autres chats à fouetter et sujet à traiter. La démonétisation est restée une affaire purement interne à l’Inde. Concrètement, les billets de 500 et de 1.000 Rps n’avaient plus cours du jour au lendemain et pouvaient être échangés (de façon non anonyme donc) dans les banques contre de nouvelles coupures. L’objectif était la lutte contre la fraude (fausse monnaie), la corruption, le black et le financement du terrorisme, rien que ça. Cette « attaque » était évidemment risquée mais n’a finalement pas débouché sur les troubles auxquels l’Inde est coutumière. En revanche, effet indirect, les femmes ont été contraintes de dévoiler leur épargne personnelle cachée et de la confier aux hommes de la famille qui allaient à la banque. Le gouvernement tablait sur le fait que les détenteurs de cash d’origine illégale n’oseraient pas venir les échanger. Objectif non atteint puisqu’on considère que plus de 99% des billets ont bel et bien été rapportés aux guichets. La Banque Centrale a alors émis de nouveaux billets de 500 et 2.000 Rps, qui sont d’ailleurs très jolis, toujours à l’effigie du Mahatma Gandhi. En revanche, plus de billet de 1.000 Rps.

Pour se rattraper de ce relatif échec, le gouvernement a souhaité insister sur la digitalisation de l’économie, devant conduire à la diminution de l’argent en circulation (donc réduire corruption, non déclarations, etc.). Mais le cash est toujours là, les grosses liasses circulent et, comme je peux le constater dans les hôtels que je fréquente, peu acceptent encore les paiements par carte de crédit, ou, comme par hasard, la machine à cartes ne marche pas, c’est pas de bol hein !

Si la réforme comportait des objectifs avouables, quoique la méthode radicale puisse choquer, force est de constater qu’elle n’a pas réussi dans l’ampleur souhaitée. Les analyses économiques estiment même qu’elle a fait perdre 1% de la croissance du PIB et causé d’immenses pertes d’emplois dans les secteurs informels… Pas facile de faire bouger les choses sans dégâts donc ! Et « la lutte contre le Mal conduit souvent à son renforcement », comme disait le célèbre critique gastronoimique indien (vaut mieux que deux tu l’auras) Pladmul Pafresh 😉


SOMNATH

Somnath est une petite ville côtière, assez tranquille, réputée pour son temple hindou maintes fois détruit et reconstruit. De fait, la dernière reconstruction ne date que de 1950. Effectivement il ne fait pas très ancien. Ainsi, pour les voyageurs pressés, Somnath peut être allègrement sautée, des temples, il y en a des milliers en Inde. Ce qui est plutôt rigolo est l’environnement du temple, ses pratiques et obligations ; l’endroit pour déposer appareil photo et téléphone mobile (interdiction de prendre des photos), autre endroit pour déposer les tongs, la grande organisation et le très long parvis faisant augurer de foules le weekend ou à l’occasion de pèlerinages, les hommes qui se tapent le front sur les marches d’escaliers, ceux qui s’étalent de tout leur long à plat ventre dans une intense dévotion, les vieux barbus décharnés habillés de hardes saintes blanches et oranges qui vivent de mendicité, certainement pas pour s’acheter du savon. En contrebas est la plage qui a une belle courbe et une multitude de crottes de chameaux qui promènent les autochtones le soir pour 5 Rps. Il y pousse aussi quantité de papiers sales, sacs et bouteilles en plastique et autres déchets. Pour y accéder, il faut passer par un dédale d’échoppes à merdouilles, bracelets, coquillages (et crustacés)…

Les ruelles de la ville ne permettent pas le passage des voitures ou des tuk-tuks, donc plutôt sympa. Un petit musée éclectique s’est installé, qui contient de la pierre et des statues d’anciens temples. On y trouve aussi, étalés dans de vieilles vitrines, des collections d’oiseaux empaillés et de coquillages. Eclectique. Je m’assois sur une pierre et me dis que la statuaire en Inde est reproduite infiniment (les mêmes dieux dans les mêmes positions) et est une affaire qui marche… Mon hôtel est correct et sans charme, il a le mérite d’être abordable (900 Rps – 11€), d’être tout près de l’arrêt du bus depuis Diu et à 3 minutes à pieds seulement de la jolie petite gare pour repartir vers Junaghad.


JUNAGHAD

2 heures de train assez chouette (assis seul dans mon wagon « Sleepers »), joli paysage agricole, maïs, blé, coton…) pour arriver à cette bourgade de 300.000 habitants. Encombrée et défoncée comme la majorité des villes indiennes, ma première envie est de la fuir ou de laisser passer le temps dans ma chambre à 450 Rps (5€). Je n’ai cependant pas eu mon quota de marche urbaine alors j’y go. Deux points d’intérêt dans la ville : deux mausolées de nababs incroyables sortis de contes des 1.000 et une nuits, en style mixte indo-islamo-européen, c’est pas mal pour qui aime le compliqué, quatre petits minarets tout fins avec un étroit escalier ou pas même un Ricou ne passe… Et puis le fort d’Uparkot, perché haut en sentinelle de la ville. Ce sont les ruelles qui y mènent qui sont pour moi les plus intéressantes, assez praticables pour le piéton, calmes, démonstrations d’un quotidien pas très rutilant. Je m’y fais surtout la réflexion que, dans les vieux centres des villes que je traverse, il a bien dû y avoir de l’opulence à certaines périodes. Des bâtiments, maisons ou immeubles, sont splendides et malheureusement non entretenus, à l’abandon ou squattés. Cet abandon, accéléré par les moussons, confère parfois du charme aussi, mais c’est la misère qui l’emporte, misère humaine, misère patrimoniale, cela va parfois de pair. Comme la précédente, on peut ne pas s’arrêter à Junaghad. Mais à force de ne s’arrêter vraiment nulle part, on perd certainement de l’âme.

RAJKOT

Je craignais Rajkot, ville plus importante, carrefour de transports, hésitant à lui préférer Gondal pour la pose du sac et de la tête sur l’oreiller. Mais c’est plutôt la bonne surprise. La ville en elle-même n’a pas d’attraits particuliers, un énième musée consacré au Mahatma Gandhi dans la maison où il a séjourné dans son enfance, et c’est à peu près tout. Je m’en sers de base pour rayonner à Gondal et Wankaner, rester 2 ou 3 nuits au même endroit. Se trouver bien quelque part relève parfois du hasard, la conjonction de l’environnement, de la praticité et du charme. A Rajkot, j’ai posé mon sac dans un hôtel sans attrait mais relativement calme, pas trop cher (900 Rps – 12€), auquel je réclame de changer les draps et de m’apporter du PQ (il va bien falloir que j’y aille un jour !), je demande également un changement de chambre à l’arrière et qui ne sente pas la clope. Sinon tout va bien, le personnel est souriant et s’exécute 😊 C’est assez propre autour et pas trop braillard. Je suis très proche de la gare routière, donc pratique avec quelques excellents restaurants. Pour moi qui ne fais en gros qu’un repas par jour, celui du soir, ça me réconcilie avec la vie (la mort aussi, elle peut bien venir, j’aurai le ventre plein !)

GONDAL

Jolie surprise, pas évidente quand on ne fait que la contourner en bus. Me faisant tuk-tuker vers le palais du maharadjah, un des quatre qu’il possède encore en ville, je traverse la vieille ville qui va m’enthousiasmer. Les gens y sont incroyablement gentils sans être scotchant ou intrusifs ou en demande de selfies permanente. Il se prêtent volontiers au jeu des photos et je fais de très beaux portraits. A les regarder, s’il fallait le confirmer, les indiens sont d’une très grande diversité de faciès. Ce qui n’est pas anormal compte tenu de l’immensité du territoire. Analyse ethnologique de pacotille !

La photo est, l’information n’est pas un scoop, un (le ?) but prioritaire de mes voyages. Revers de la médaille, je m’aperçois que j’ai tendance à tout regarder sous l’œil possible de l’objectif, dans un cadre qui pourrait être comme ci ou comme ça, avec une lumière que je pourrais travailler de telle façon, à chercher des contrastes de genres, de couleurs, d’effets, etc. En procédant naturellement de la sorte, il arrive que je perde le sens de la réalité et que ma mémoire visuelle devienne de fait superficielle. Concrètement, à voir les choses d’un point de vue photographique, mon cerveau imprime moins, paradoxalement, l’endroit où je suis et ce que j’y vis. A la question « cette ville, ce monument, étaient-ils beaux ? », je ne pourrais souvent répondre, en toute honnêteté, que par un  « Je ne sais plus trop, mais je me souviens y avoir pris telle photo, le temps qu’il m’a fallu, l’intérêt des personnages… mais ce qu’il y avait autour, euh… ». Déjà que je n’ai pas une mémoire d’éléphant, paradoxalement, la photographie m’aide dans le souvenir d’instants, pas dans la mémoire générale. Suis-je clair ? 😊 La photographie m’est obsédante et je dois m’imposer, aux heures où la lumière n’a aucun intérêt (le plein jour qui écrase tout), à laisser l’appareil-photo au repos, en refusant de me laisser prendre au jeu du « mais on sait jamais… ». Pas facile tout de même. Il en est un peu de même pour l’écriture. Mes temps libres de cerveau, dans les transports par exemple, m’envoient souvent vers des effets de langage que je pourrais insérer dans mon blog, ou « Ah oui ne pas oublier ceci, ou cela ». Alors j’étoffe un fait, ou au contraire oublie ou diminue une information banale. C’est peut-être ce qui rend ce mélange de quotidienneté factuelle, de culture générale pompeuse et d’aventures de nain de jardin.

Mais je caquète et je cacarde, revenons-en à Gondal. Donc chouette vieille ville, qui n’a cependant pas l’intérêt patrimonial de Junaghad, mais commerçant, parfait aussi pour le piéton, ce qui est à noter dans la colonne des PLUS. Le palais Naukhala (entrée foreigners 320 Rps trop chère encore), vieux de 400 ans (dixit Nazam le guide, mais ça me paraît beaucoup), est transformé en un musée éclectique à l’ambiance désuète. Collections de poupées, d’œufs d’oiseaux, de petites voitures et jouets, de théières, de carrosses, d‘assiettes, etc. Je n’arrêterai pas aussi de râler sur le surcoût demandé quasiment systématiquement si l’on veut prendre des photos. Moi ça m’agace alors je ne prend pas de photos, na !

A l’Orchard Palace, transformé pour partie en hôtel, sont exposées une partie des 200 voitures de la collection privée du maharadjah. Il y en a ici une trentaine, d’autres paraît-il à Mumbai. L’entrée est encore excessive, 250 Rps, d’autant que, si les voitures (années 30-40 principalement, et de course, le seigneur ayant été un pilote émérite) sont magnifiques, elles sont mal exposées, on ne tourne pas autour et une bonne moitié sont derrière des vitres sur lesquelles le reflet du jour nuit (jour/nuit haha) très sensiblement à la visibilité.

Je ne m’empêche pas d’être mal à l’aise à propos de l’opulence indécente de tous ces maharadjahs, aujourd’hui encore, 70 ans après la partition et la création de l’Inde unifiée et indépendante. Ces gens, même disposant de territoires minuscules comme celui de Gondal (1.000 km²), vivaient dans une richesse tapageuse et démonstratrice, alors que le peuple casté, illettré, soumis, sans avenir social… demeurait dans sa misère. C’est d’autant plus frappant aujourd’hui. A une époque, il y a certainement eu confusion des biens « d’état » et familiaux. Pour faire passer la pilule d’un Etat fédéral à ces potentats hors du temps, leurs biens (donc ceux de leur état) leur ont été laissé à titre personnel (leurs palais, leurs collections de Rolls-Royce…) avec la contrepartie de les exploiter eux-mêmes, sans aide financière du nouvel état. Certains ont réussi leur transformation, d’autres, incapables de gérer et vivre à moins, sont tombés en faillite. Mais j’avais déjà fait un article là-dessus dans le passé.

Et je digresse, et je digresse…


Petite insomnie liée cette nuit à un concert canin, habituel, mais plus bruyamment et longuement orchestré que d’habitude. Les bâtards ne connaissent pas encore le planning social et développent toujours leurs instincts de reproduction de façon désordonnée, et dont les conséquences seront la mise bas sur le bitume et dans la poussière de batardichons hébétés d’où on les aura fait arriver, tout cela pour finir affamés, harassés, mutilés aussi donc voués à la fin, à la faim, sitôt nés. Je les vois bien ces clébards, d’une même race galeuse, roupillant en bord de route, ou se croyant gardiens de territoires pour d’humains propriétaires qu’ils n’ont pas. Ils s’éloignent apeurés à votre arrivée, le regard fuyant de chiens battus dès l’enfance, et grognant lâchement après vous lorsque vous êtes déjà à bonne distance. L’instinct sans la témérité. Et voici Madame Toutou, dont c’est la période d’accomplir le devoir conjugal. « Ha ha mon lapin (oui c’est comme cela qu’elles nomment leurs partenaires transis), je me tortille comme une chienne (que je suis) et exhale mon plus beau parfum « Chaleur » de Givenchien, mais tu n’auras pas mon cul ! ». La belle, lasse de se faire renifler le derrière par toute une armée de clochards, finit par se laisser prendre, pensant naïvement malgré tout y trouver quelque plaisir… « Et je le vois bien quand tu es sur mes copines, ton regard vide, tes pattes mal agrippées sur leur dos et que tu griffes, espèce de maladroit. Et puis tu en mets un temps à trouver mon trou, nigaud devenu à deux pattes, je t’accorde que la Nature ne nous a pas parfaitement accordés, ni bien anglés… Mais quoi, c’est tout ? Tout ce tralala pour ça ? Et on t’a pas appris le plaisir féminichienne ou quoi ? Bas casse-toi, éjaculateur précoce, je m’occuperai de ta progéniture toute seule ». Et le chien, penaud, mais finalement heureux de retrouver sa liberté canine, insouciant et débarrassé des responsabilités familiales, part gambader jusqu’à la prochaine fois. Mais il n’aura retenu aucune leçon, c’est ce que me raconte Yamonkhlebar Khallaraj, éleveur de chiens expert, épileptique et au chômage. Et moi je profite du batifolage sonore sans que ça me rende jaloux pour un sou, ni joli pour une roupie…

WANKANER

« Ca faisait longtemps que je n’avais pas vu de foreigner dans mon bus. Jamais je crois, autant qu’il m’en souvienne. En général, ils sont plutôt en groupe dans leur minivan climatisé. Celui-là est rigolo avec son chapeau jaune ridicule. Il a l’air de s’en fiche comme de la première dent de ma sœur d’être au milieu de nous-autres cul-terreux et pas toujours bilingues. On nous a appris à l’école les phrases essentielles en anglais, et pour la plupart d’entre nous, ça s’arrête là. « D’où venez-vous ? », « Quel est votre nom ? ». C’est souvent notre manière de dire « Bonjour » aux foreigners. Eux ne sont pas moins paresseux, à part « Namaste », il ne savent rien dire, au moins en hindi, alors vous pensez, en gujarati !

J’ai un peu de temps à tuer, alors j’observe mon Oman, c’est comme ça qu’il vient de se présenter trois fois à des voyageurs qui montent, je m’installe en biais, deux sièges derrière lui. Il fait à peine attention aux deux jeunes filles qui viennent de s’installer à côté de lui sur la banquette de trois. Elles hésitaient gloussant d’un rire timide à savoir laquelle des deux irait s’asseoir directement à côté de lui, on dit tellement de choses sur le comportement relâché des occidentaux. Celui-là a au-moins la décence de porter un pantalon. Mais que va-t-il faire à Wankaner, puisque c’est la destination qu’il indique au contrôleur ? Mystère, mystère, je mène l’enquête…

On descend, la gare routière de Wankaner est toute petite et poussiéreuse, cela semble l’étonner. Il croyait quoi ? Que Wankaner était la capitale du Monde ? Un chauffeur de tuk-tuk l’aborde, je n’entends pas ce qu’ils se disent, mais ça a l’air de discuter sec. Oman rigole et dit bye-bye au gars. Le chauffeur le rattrape, lui cause, à mon avis pour baisser son prix de la moitié, c’est classique avec les étrangers, mais Oman l’envoie balader. Il n’a pas l’air commode Oman ! Je demande au chauffeur où Oman veut aller. Au palais royal…

Et il y va à pieds, ce n’est pas tout près, peut-être 1 km et demi, alors je le suis, sans l’aborder, pour voir. Lui est penché régulièrement sur son téléphone mobile, sans doute pour vérifier son chemin sur Google Map. Les chauffeurs de tuk-tuk et de taxi s’en plaignent d’ailleurs, il est plus difficile aujourd’hui d’arnaquer les étrangers sur la longueur des trajets. On arrive en haut, mais le portail est fermé. Un type du coin l’aide à monter au-dessus des grilles. Non, il ne va pas faire ça tout de même ! Et bien si ! Alors moi, toujours à distance, je continue à le suivre. Et comme il se croit seul, il se met à chanter à tue-tête. Je ne comprends rien, c’est du français, information que j’ai apprise dans le bus. Je comprends juste « Bonhdukureh » qu’il répète, comme ça. Ils ont des chansons bizarres les foreigners ! On arrive sur l’arrière du palais, forcément l’entrée principale, ce n’était pas là… Un gros type un peu sale, carrément cradoque portant en avant un ventre graisseux, qui semble ne pas parler anglais et qui a l’air de faire office de gardien, l’arrête et lui dit qu’il ne peut pas passer. Oman est surpris et lâche « What ? Are you kidding ? It’s closed ? I came especially to Wankaner for the palace ». Il n’a pas l’air content, même pas content du tout, les étrangers ne savent pas garder leur calme comme nous autres, adeptes de méditation, enfin prersque. Et l’autre type téléphone, sans doute à un responsable du palais. Il tend le téléphone à Oman qui s’explique. « What ? Are you kidding ? 1.000 roupies for the entrance ? It was written 200 roupies in my travel book. Do you think you are the Taj Mahal ? ». Mais j’ai l’impression qu’ils ne sont pas vraiment d’accord sur le prix, les indiens sont têtus, et ce frenchy doit avoir un peu de notre ADN, un peu borné quoi. Oman tend un billet de 100 roupies au gardien gros et sale, mais cela semble être bien une entrée à 1.000 roupies demandés. Mon Oman est furieux maintenant, mais quoi ? Ils ont bien les moyens financiers les foreigners, non ? Pas comme nos maharadjahs vénérés, mais presque. Du coup Oman rebrousse chemin sans voir le palais, et redescend à pieds, mais par le bon chemin cette fois-ci, qui est plus long. Il ne chante plus « Bonhdukureh » mais un truc du genre « Enkhuleh lesindhien ». Mais où il va maintenant ? Les bus c’est à droite, pas à gauche. Je comprends qu’il va à l’autre palais de la famille royale, en bord de rivière, qui est transformé en hôtel. Va-t-il prendre une chambre ? En tout cas, il refuse les demandes de tuk-tuk qui passent et décide encore la marche à pieds. Ca fait une rallonge de trois kilomètres là ! Bon ok, la balade est pas mal, il y a de la verdure un peu, mais il fait chaud.

Borné ce gars je confirme. Et il a l’air très furieux. J’ai l’impression qu’il veut aller s’expliquer avec le manager de l’hôtel. Ca va barder. C’est une teigne ce foreigner, pire que mes tantes qui ne lâchent jamais le bout de gras au marché. Bon moi je fatigue un peu, et j’ai l’impression que la colère lui donne des ailes à ce pakistanais de mes deux. On arrive enfin, le par cet les bâtiments de cet hôtel sont déserts, mais les portes ne sont pas fermées à clé. Oman en profite pour se faire une petite visite à l’œil, mais il n’y a rien d’exceptionnel. Enfin un type, qui doit bien être d’Ahmedabad car je ne le reconnais pas, s’approche. Lui aussi a séché les cours d’anglais, et comme Oman hausse le ton, il appelle un responsable. Cela semble être une dame au téléphone. Comme ils parlent fort tous les deux, je comprends que la dame parle parfaitement anglais, elle doit venir de Mumbai. « What ? Are you kidding ? 1.000 roupies for a simple entrance ? Are you mooching yourself with your elbow ? If I knew it was 1.000 roupies, I wouldn’t have come ». Et puis « What ? Are you kidding ? It’s not written anywhere that we have to book in advance ! I really lost my time ». Mais moi, à mon avis, Oman, il avait juste envie de gueuler, je pense qu’il aime bien ces petits contretemps, je le vois à son sourire entre chaque dispute. « I will write to the Lonely Planet Guide and other travel books, and tell them what happened to me today ». Et puis j’ai l’impression qu’il raccroche au nez de la dame qui n’a pas l’air de se laisser faire non plus.

Et voilà Oman repart vers les bus, un peu maugréant au début, et puis il finit par reprendre sa « Bonhdukureh ». Ils sont souvent un peu comme ça ces foreigners, ils croient qu’ils sont chez eux et qu’on leur doit tout sous prétexte qu’ils peuvent tout s’acheter. Bon moi j’aimerais pas trop me frotter à Oman, et puis maintenant c’est encore plus de deux kilomètres pour la station de bus et je vais me faire engueuler par ma mère, j’avais promis de rentrer les biques… Je double Oman et lui lance un retentissant « Welcome to India ! ». Au fait, moi c’est Khirandra Vomesh, mon père est barbier à Wankaner.

JAMNAGAR

Les villes se suivent et se ressemblent. Les contours se sont développés sans intérêt particulier. La visite de la vieille ville peut s’avérer réjouissante. Il faut choisir son temps, la fin de la journée est meilleure, une frénésie consommatrice excite la population sur les étals et dans les échoppes. Grand marché de légumes, de beau temples jains tout blancs, un chouette lac protégé (entrée payante 10 Rps) pour lire. Pas de monument ni d’histoire notable. Mais je pleure sur ce patrimoine bâti qui ferait le bonheur de rénovateurs en occident, on garde les façades et on adapte l’intérieur à nos vies de maintenant. Ici, on laisse s’écrouler, on défigure, on maltraite vraiment les murs, on a bien d’autres chats à fouetter. Je ne sais si je ne préfère pas le patrimoine bâti à la compagnie des hommes…