J'ai bien aimé l'ambiance jeune et décontractée de Niksic, ses cafés et ses prix doux (le Spritz à 3,50€, la bière à 1,80€, le café à 1€).


J'AIME PAS

Il n'y a visiblement pas de restriction à la cigarette dans les cafés et restaurants. Je suis sorti de plusieurs tellement c'était enfumé. Mourir de froid en terrasse ou d'un cancer du poumon, dilemne... Les cigarettes coûtent entre 2,50 et 4€ le paquet de 20 tiges cancérigènes. Dommage que je ne sois plus fumeur. Il n'est pas étonnant que tout le monde fume. J'ai même vu ce matin un taximan à l'arrêt et fenêtres fermées, tirant sur sa nicotine. Je n'aimerais pas être son passager. Puisque j'en suis au prix des choses bonnes pour la santé, le prix du litre de SP95 est de 1,26€, prix fixe comme je l'avais noté en Slovénie en juillet dernier. Plutôt bien pour l'itinérant que je suis.


Je m'améliore en serbe. Je savais déjà dire bonjour et merci. Et maintenant je comprends steri et novi, vieux et nouveau, comme steri grad pour vieille ville. Et tenez-vous bien, j'ai appris à dire je t'aime... jotim te (prononcez yotim té). Je peux aller voir la boulangère (pekara = boulangerie), et lui dire "Vrzado Pekarina, Jotim te". Et là elle me répond : "j'ai mon lit dans l'arrière-boutique, à côté du fournil, je sers quelques beureks et je suis à toi, ô mon joli franzouski". Je devrais pas mal me débrouiller je pense. Ca devrait bien marcher pour moi. Et puis je pourrais lui offrir une pivo (bière). Si elle me l'envoit à la figure, c'est certainement que je dois améliorer mon accent et qu'elle a compris d'autres intentions de ma part. De toute façon, elle n'est pas si terrible que ça la boulangère.

Chouette route vers l'ouest et la Bosnie. Je longe d'abord le lac Slano qui est superbe, même s'il manque d'eau après l'été, jusqu'à une petite église tranquille dans la pampa, plantée comme c'est la tradition au milieu de son cimetière. On enterre quelqu'un qui ne devait pas connaître grand monde ou qui devait être très vieux, 5 ou 6 personnes autour de la tombe. La route est excellente, bitume clair, tracée dans la petite montagne. La Bosnie est à 30 minutes. Je vais jusqu'au poste frontière, pour voir. Il n'y a rien à voir. C'est très vert, comme partout, les pluies que je subis actuellement ne sont pas les premières. Je traverse un plateau maraîcher, et rebelote petite montagne qui débouche sur un panorama merveilleux. Les bouches de Kotor, enfin. Il y a 40 ans que je connais leur existence. Et tout le monde en parle. Et je n'y étais pas encore allé. Ca frise la destination mythique. Les bouches de Kotor sont deux petites mers intérieures successives ouvertes sur l'Adriatique par un étroit goulot, puis un autre. Comme si deux Golfes du Morbihan se succédaient. Au bout du fond se trouve la ville de Kotor. Les montagnes plongent leurs pieds à 45 dégrés dans la mer, comme pour en éprouver la température (qui est encore fraîchement bonne). D'étroits villages se sont bâtis au cours des siècles, et une route côtière, au ras de l'eau, fait le tour. Le tour complet fait 80 kms environ. Fin septembre, c'est pratiquable. Ca doit être bien encombré en pleine saison. J'irai me poser deux jours à Perast qui doit sûrement dire "perle" dans le langage local, tellement c'est mignon et protégé.

Première étape, Herceg Novi (novi pour nouvelle et Herceg, du nom du duc qui l'a fondée y a fort fort longtemps, et que l'on retrouve dans Bosnie-Herzegovine). La ville est presque l'entrée ouest des bouches de Kotor. La Croatie est à un trait d'arbalète. Dubrovnik à 50 kms. La vieille ville (steri grad donc) est magnifique. Et j'ai la chance du soleil, pour une fois. Grandes demeures de pierre, ruelles étroites dégoulinant vers la mer. C'est abrupt et je ne compte pas les marches d'escalier qu'il faudra remonter. La citadelle a été détruite par le grand tremblement de terre qui a secoué toute la côte en 1979. Elle a fait plouf dans l'eau. Perast fait face au deuxième goulot. Le village avait ainsi une vision parfaite de qui et quoi y pénétrait. Eglises et palais de type vénitiens s'enchaînent et rappellent les siècles de splendeur des doges sur l'Adriatique et la côte dalmate. Le village a eu l'astucieuse idée d'interdire les voitures non résidentes et la visite est très agréable, même si on note un afflux de visiteurs dès le matin. Afflux bien mesuré si on le compare à Kotor. Les visiteurs font la balade du front de mer ponctué de restaurants biens à chics. Deux îlots réputés font face à la cité. Y ont été construits une église sur chacune, l'une avec son dôme arrondi bleu caractéristique, l'autre plus classique. Des promène-couillons font la traversée pour 5€ par personne. La vue sur Perast y est imprenable. 

Je loge à l'entrée du village, à côté du musée, dans une vieille demeure tenue par une famille. 50€ pour les deux nuits. Belle chambre avec vue sur la baie. Je surveille les entrées maritimes. J'ai l'oeil. Mes voisins sont un jeune couple hong-kongais qui cuisine à l'ail dès le matin, ça empeste dans toute la maison. Le soir, ils sortent leur guitare et se mettent à chanter. Les cloisons sont fines. L'inconvénient est qu'ils chantent faux et ne semblent pas s'en apercevoir. J'aimerais entendre d'autres sons de ce couple, mais bon, les asiatiques sont très pudiques, même dans l'intimité. Tant pis. Ou c'est moi qui les gêne par mes ronflements. J'ai le sommeil lourd, leurs berceuses façon Cats Stevens m'endorment. Dîner d'un plat de moules dites à la crème. La sauce est fortement tomatée. C'est excellent. Et le fond a la consistance d'une bonne soupe moulinée. Deux en un donc. Repas complet. En matière de vin, l'inévitable Chardonnay en vin blanc. Pour le rouge, il y a un cépage majoritaire local, le Vranac. Pas mal du tout. Mais a priori, les étiquettes vont du simple au quintuple dans les magasins, donc différentes qualités que je ne teste pas, (relative) abstinence oblige. Ils ont des petites bouteilles de 18,7 cl qui remplacent le verre demandé au restaurant.

La ville de Kotor occupe le fond du bout du fond des bouches éponymes. C'est un des clous du tourisme monténégrin, et ça se voit vite. Ca attire son monde. Des immeubles-bateaux y accostent, en provenance vraisemblable de Dubrovnik et de la côte plus haut. Dommage ce flux de visiteurs dégueulés d'un coup dans la vieille ville déjà surchargée et qu'on rappelle à bord d'un gros coup de trompe sourd quand c'est l'heure d'appareiller. L'accès à Kotor est compliqué, même en cette arrière-saison. Je n'y mettrais pas un doigt de pied en juillet ou août ! C'est ingarable et je suis au bord de renoncer. Je parque mon char dans la ville voisine et fait le chemin à pied via le front de mer C'est plat, ça va. La vieille ville est évidemment magnifique, vieille et blanche de ses palais de pierre, de ruelles au pavement lissé par les pas séculaires. C'est réellement sublime. Après il faut supporter la multitude de restaurants et bars, dont les parasols gênent le paysage, chacun sa musique. Il faut supporter les boutiques de souvenirs et la foule vacancière, dépensière et badaude... Pour ma part, ça coince un peu de ce point de vue. Personne ne doutait que je suis e fils de l'Enfant sauvage. Ces villes sont sublimes et à 100% vivantes par le tourisme. Le local est au choix investisseur ou serviteur. Il n'est rien d'autre. Mais que je ne rebute personne, Kotor est magnifique. Elle semble s'être pris le chat pour emblême. Sur une petite place, les félins ont pris leurs aises, roupillent (ou font semblant) sur les bancs destinés aux culs des visiteurs. Il suffit de les pousser un peu et les animaux viennent sur les genoux recevoir les carresses attendries. Quelle horreur ! Les dames, demoiselles et les enfants ne cachent pas leur joie. On trouve les félins sur les cartes postales, les magnets, les peintures... vendues aux touristes. 

Je m'échappe et retourne à l'apaisement de Perast que je quitte bientôt avant d'être blasé de son front de mer. Ma logeuse s'excuse pour le bruit de cette nuit, la sirène des pompiers actionnée par erreur. J'accepte ses excuses, mais je n'ai rien entendu. En revanche il a fait une tempête du diable. Celle-là je l'ai bien sentie. D'ailleurs, mon application météo programme aujourd'hui pluies et orages sans discontinuer. Il fera beau et pas une goutte. Je vends mon appli météo, pas cher, kinenveut ? Une petite route vertigineuse grimpe sec au-dessus de Kotor, les points de vue sont époustouflants. Un drône ne verrait pas mieux. Pas loin de la bifurcation vers le mont Lovcen, une zip line (tyrolienne... lalala i you) propose, pour 15€, une descente au-dessus du vide. Un truc de malade. 200 mètres accroché à un fil au-dessus de l'énorme néant, je passe mon tour. J'explique pourquoi : 1. j'ai de plus en plus le vertige, 2. je pense aux rares qui m'aiment et que ma perte leur coûterait en anti-dépresseurs, 3. la pose de stents en plein vol, ça doit être joliment coton, 4. j'aurais immanquablement les yeux fermés, donc je ne vois pas trop l'intérêt. J'en vois quelques un(e)s se lancer... Chapeau !

Le Mont Lovcen est à 1750 m. d'altitude. Il signifie Montagne Noire, d'où l'appellation Monténégro. Le nom du pays ne vient donc pas, comme certains le prétendent, de l'ordre passé par baron local à un serveur béninois, lui réclamant son darjeeling fissa fissa ! Le mont symbolise la résistance des monténégrins aux invasions ottomanes (ottoman, ottoman ? c'est ottoman bon... ça fuse). En son sommet est installé le mausolée de Petar II Petrovic Njegos, véritable héros national. Et quand Petar s'enfamme, ça fait des étincelles !!! (Encore, encore...). Près de 500 marches dans un tunnel creusé dans la montagne jusqu'au sommet. Pour la vue à 360° qui est à couper le souffle : lac skadar, bouches de Kotor et Adriatique, certainement la Croatie quelque part et l'Albanie quelque part aussi, mais ailleurs.

Redescente vers Cetinje qui sera mon prochain arrêt. Ancienne capitale royale du Monténégro de la fin du 19ème siècle à 1946, c'est aujourd'hui une ville de province, pas désagréable du tout, hors des sentiers touristiques, et pourtant elle est étonnante. Le dernier roi Nicolas 1er qui a régné plus de 50 ans, a pondu (sa femme) plein de princesses qui ont été mariées au gotha européen, histoire d'avoir la paix, dont une avec le fameux Pierre 1er de Serbie, qui a choisi son avenue à Paris dans les beaux quartiers comme par hasard... On a surnommé Nicolas le beau-père de l'Europe. Et l'amour dans tout ça ? Mon oncle Alfred disait que "Mariage sans amour, mariage pour toujours". Mon oncle Alfred ne s'est jamais marié. Donc Nicolas 1er y a bâti son palais (musée aujourd'hui) et tout un tas de beaux bâtiments colorés, style art nouveau. L'ex ambassade de France est juste à côté de mon appartement, très beau bâtiment avec mosaïques qui nécessiterait une petite rénovation. L'ex ambassade de Russie, tout orange, est aujourd'hui une faculté des beaux-arts. L'ex ambassade britannique, rouge, est une académie de musique. Le palais bleu, ex résidence royale est devenu la résidence présidentielle. Etc. J'ai un appartement vaste idéalement placé (48€ pour deux nuits). Déambuler dans la ville, sans touriste avéré, est un régal. Un peu suranné, propre, des parcs arborés. Pas mal du tout. Je conseille le Njeguski razanj du restaurant Kole. C'est une viende fumée (comme de l'escalope de veau je pense) cuite à la broche et enroulée sur du prsut (genre de proschiuto) et du fromage fondu. C'est comme l'andouillette, ça y ressemble, ça n'en est pas et c'est top bon. Comme souvent, les portions sont astronomiques, j'en mange la moitié. Le serveur me propose un doggy bag, mais bon, j'ai prévu autre chose pour le petit déjeuner. 

Aujourd'hui samedi 1er octobre, c'est mon anniversaire. J'ouvre un compte paypal pour ceux qui auraient oublié. Le dieu du ciel est généreux. Il m'envoit la pluie sans discontinuer toute la journée ! A partir de demain, ce devrait être soleil jusqu'à la fin du séjour. C'est une journée propice à la visite de musées. Ca tombe bien, Cetinje en a plusieurs. C'est d'ailleurs la ville où il y en a le plus. C'est sans doute dû à son histoire, ses bâtiments sans plus d'utilité politique à occuper. Pour 12€, on a droit à la visite de 4 espaces. C'est parfait pour moi aujourd'hui. Le musée national du Monténégro propose l'histoire du pays depuis l'homme de Cromagnon jusqu'à l'indépendance en 2006. Vaste période. Cette partie est intéressante si, comme moi, on s'est déjà un peu immergé dans l'histoire, la géographie et l'économie du pays. Photos en nombre, objets, vêtements. A l'étage, c'est une grande galerie d'art, essentiellement peintures et quelques sculptures. A boire et à manger. Et il y a la galerie Miodrag Dado Duric, beaucoup plus contemporaine, parfois morbide. Le musée Njegos ou Biljarda est installé dans la demeure de Petar II, le héros étincelant. On y voit ses photos, ses costumes, ses documents, ses chaussettes et caleçons, et aussi le fameux billard (français), le premier introduit au Monténégro. Juste à côté, une énorme carte en relief du Monténégro, faite par les autrichiens en 1917. Bien aussi quand on a déjà bougé dans le pays, pour constater que le Monténégro est un pays de montagne du nord jusqu'à ses côtes. Il n'y a pas de noms, donc je m'amuse à retrouver les endroits où je suis allé. On s'amuse comme on peut quand il pleut dehors. Le musée ethnographique est très joliment présenté (outils et costumes du pays). Si on devait n'en visiter qu'un, ce serait celui-là et ça ne prend qu'un quart d'heure. Enfin, est compris dans le forfait le musée du roi Nicolas (le beau-père de l'Europe, on s'en souvient si on lit bien), installé dans sa demeure. Je zappe parce que j'ai un peu mon compte et que la visite est forcément guidée, et moi, les visites guidées... Les groupes ont l'air content.

J'AIME PAS

Le café à la turque qui est parfois servi lorsqu'il n'y a pas de machine à café dans l'établissement, en montagne parfois. Super épais, très amer, il agresse le cerveau, ça prend d'abord derrière les narine, puis ça fait pression dans l'arrière de l'oeil pour se loger dans un coin du crâne ou ça peut cogner sec. Et puis il y a un peu cette impression de devoir faire un détartrage ensuite. Moi je préfère prendre un deutch café (dojc kafa... je ne connais pas le pourquoi de l'appellation) qui est une sorte de grand café crème. Sinon on trouve partout des expressos classiques.

Je vais voir la côte, prendre des repères pour plus tard, et constater que l'air maritime apporte le beau temps. Cetinje est à 700 m. d'altitude, c'est donc une belle descente continue jusqu'à Budva. Exceptionnels panoramas sur la côte en chemin pour constater les profondes dégradations des promotteurs en certains endroits. Benidorm n'est pas loin. On devrait condamner de quelques gifles en public (au moins) ces massacreurs de paysages ainsi qu'à ceux qui ont permis cela. La vieille ville de Budva, sorte d'avancée sur le mer, façon Dubrovnik, paraît tellement petite et inaccessible en bout d'une urbanisation vaste impitoyable. Plus loin, c'est Stevi Stefan, beaucoup mieux protégée. Et pour cause, les maisons du XVème siècle qui la composent en un exceptionnel village, ne sont accessibles que par ceux qui déboursent 1.000 à 3.000€ la nuit car c'est un parc hôtelier privé. Les badauds comme moi touchent des yeux. C'est très beau. Je vois la jolie plage à ses pieds, que je testerai peut-être à mon retour.

Demain j'oblique vers le sud est, là où commence l'Albanie.