Jour 1

Je me lève aux aurores, 3 heures et des brouettes, le vol est à 6 heures. Transavia pour Tenerife. Canaries phase 2 après les deux semaines à Fuerteventura et Lanzarote en décembre. Il y a deux aéroports à Tenerife, un au sud pour les vols internationaux et proche des stations balnéaires pour la masse, et un au nord pour les vols de l’archipel et de Madrid. Pas très pratique pour les transferts. Je passe trois jours à Tenerife, puis une semaine à La Palma, puis rebelote quelques jours à Tenerife. Le réseau de bus est particulièrement performant sur cette île. De ce fait, je prends un bus pour La Laguna au nord et j’économiserai les frais de location de voiture pour le début du séjour. Pas bête la guêpe. 40 minutes pour rejoindre Santa Cruz par la côte est qui n’a pas d’intérêt et changement pour La Laguna rejointe en 10 minutes. J’ai une chambre basique en ville chez Irina, charmante vieille de mon âge qui ne parle pas un mot d’anglais, encore moins de français. Allons-y avec mes rudiments d’espagnol. Elle rit tout le temps, c’est déjà ça. Je mets mon bermuda, chausse mes tongs et part visiter la ville.

La Laguna est le joyau colonial de Tenerife. Très colorée. Son centre est magnifique, assez vaste, flanqué de belles boutiques qui respectent les ouvertures originales des vieilles maisons bien refaites. Un Starbucks s’est perdu là, mais on ne le voit presque pas car il doit s’insérer dans l’existant. On ne badine pas avec le patrimoine architectural, non mais ! Je monte à la tour attenante à la iglesia de la Concepcion, madre de dios. La vue à 360° donne une bonne idée de l’étendue de la cité. J’ai faim, je vais manger mes premières croquettes de jambon et un toast de jamonillo au soleil. Buen provecho.

Au museo de historia y antropologia, situé dans le palacio Lercaro, on me demande si je suis retraité. Il fallait bien que ça arrive un jour. Je m’offusque gentiment quoique j’en prenne plein mon grade. La personne s’excuse et on rigole (couleur amarillo pour ce qui me concerne). Le comble est que j’aurais dû acquiescer, j’aurais payé moins cher mon entrée. Je ferai attention la prochaine fois. L’application qui doit donner les explications en français ne fonctionne pas. Du coup, moins intéressant mais beaux objets sur le développement de Tenerife.

Les autochtones portent le masque systématiquement, même en extérieur. On repaire facilement les touristes qui sont plus rebelles.


Jour 2

Il a plu cette nuit et j’ai mangé de la joue de bœuf façon ibérique au dîner, excellent.


Journée à Santa Cruz de Tenerife qui est la capitale administrative de l’île et co-capitale des Canaries avec Las Palmas (Gran Canaria). On peut y aller en bus ou en tram. J’opte pour le tram, très facile. Des passagers se prennent en selfie quand ils entrent dans le tram. Je pense que c’est une reconnaissance faciale liée au paiement du trajet. Santa Cruz n’a bizarrement pas le même passé colonial que La Laguna. Point d’amarre dans l’île, d’où est partie la conquête (et l’extermination des indigènes), elle ne restait qu’un passage et un port, la capitale originelle étant La Laguna dans les terres. Cela se ressent vite. Les faubourgs sont moches, à l’espagnole. Ont poussé n’importe comment de hauts immeubles tristes jaunasse, marronasse ou verdâtre comme cela pullule fréquemment en Espagne. Un vieux centre riquiqui est à peine préservé. L’arrivée à Santa Cruz de Tenerife est donc décevante. Pour autant, n’étant pas station balnéaire, l’animation reste authentique, et n’est vraiment pas désagréable.

Superbe et vaste musée d’art contemporain, le TEA, gratuit qui plus est, où je découvre les œuvres émaillées de Maud Westerdahl, née Bonneaud, donc française. Très joli. Elle a d’abord été mariée avec Oscar Dominguez, surréaliste reconnu, dont quelques œuvres sont exposées. Il n’y a pas un chat. Les retraités allemands, qui sont l’essentiel de la population touristique, préfèrent le musée de la Bratwurst ou la Schönes Mädchen Fest. Aïli Aïlo. La Casa de Carnaval, gratuit aussi, yaouuuuuh, expose les costumes extravagants du carnaval qui a lieu tous les ans au mois de juin. C’est super chouette et les retraités allemands ne se sont pas plus déplacés. La robe et les accessoires de la miss 2018 pesait paraît-il plus de 350 kilos. Soit elle avait été hélitreuillée et faisait du surplace, soit elle était montée sur roues avec vérins hydrauliques…

Le mercado du matin, incroyablement achalandé qu’on en achèterait tout, donne faim. Ce sera pour moi une timbale froide de morue, poivrons, oignons, aïl… bref je vais demander la recette !

En fin de journée, ça caille sec. Pas de chauffage dans la chambre. Irina m’apporte des plaids qu'elle m'étale sur les genoux, je cherche le mot, elle le dit, abuelo… Voilà, comme un grand-père ! J’aurais vieilli pas mal durant ce séjour !


Jour 3

Il pleut ce matin, arghh. Pas trop, mais suffisamment pour dire zut. Et ça s'améliore nettement dans la journée. Je prends le bus pour Puerto de la Cruz sur la côte ouest, 30 minutes. De loin, on est effaré, c’est buidings et compagnie. Je ne vais pas revenir sur la catastrophe immobilière qui a saisi l’Espagne dans les années 60-70 et après. Il y a de la corruption dans l’air, moi je le dis. Puerto de la Cruz (on vénère la croix dans ces parages !) est en fait la première station balnéaire de l’île, vers la fin du XIXème siècle, quand les anglaises en eurent assez de leur face de cottage cheese et vinrent prendre les couleurs du temps canarien. C’était donc bien avant le tourisme de masse, avouons-le bien destructeur. Bienvenue dans les îles anglo-allemandes ! Une zone en bord de mer résiste à l’envahisseur, avec ses petites maisons basses et colorées où on se donne des airs d’été, de vacances sans les enfants, de bière en terrasse, de glace en cornet, de magnets très moches et de frénésie commerciale touristique. Autour, les hautes constructions sont menaçantes, et puis on les oublie, ou bien on s’habitue.

Dans le petit port de Muelle qui servait autrefois à la pêche, je me baigne, l’eau est excellente (sur mon échelle de Richter naturellement). Nous sommes trois ou quatre pékins à barboter qui faisons attention de ne pas nous faire hameçonner par les pêcheurs du dimanche (qui ne devraient pas être là car nous sommes jeudi). Sur un côté du port se trouve un petit musée d’art contemporain, qui contient la collection d’Eduardo Westerdahl, mari de Maud et collectionneur. J’y suis seul encore. Plus loin, longue ballade de bord de mer flanquée de boutiques de qualité et qui sert de promenade anglaise (ou allemande, c’est selon). Cesar Manrique, le monsieur qui a sauvé Lanzarote de la misère immobilière, a créé ici un système de bassins plus ou moins intégrés dans la pierre (de lave) et où on peut se baigner. Autour, les plages sont dangereuses, fortes vagues et courants, que se réservent quelques surfeurs. Je ne trouve pas le concept réussi.

J’ai faim, je vais manger des moules marinières. Le concept de la moule marinière locale est qu’on recouvre les moules d’une sauce tomate, oignons et poivrons. C’est très bon, mais dès que je reviens en France, je vais manger une pleine casserole de moules marinières au vin blanc. Assassin ! Je vais digérer mon plat sur la playa Jardin, magnifique comme ses voisines de sable volcanique noir. Je m’assoupis je crois. Comme ailleurs, on trempe les pieds, pas plus loin, sinon on se fait siffler par le maître-nageur pas content content… En remontant se trouve le cimetière San Carlos. Je n’ai jamais vu un cimetière aussi fleuri. Couleurs et senteurs, ils sont pas bien là les décédés ? J’abandonne l’idée de commencer ma mort sur la plage de Sète. C’est ici que je veux qu’on m’enterre. D'autant plus qu'il est surveillé de loin par le Pico del Teide enneigé qui trône à plus de 3.700 m de hauteur (le plus haut sommet d'Espagne).

Emincé de bœuf sauce au vin et purée de pomme de terre maison au dîner, miam ! Je termine un court article sur Teguise pour un magazine et je vais me coucher. Ronpich… Demain je pars à La Palma.