10 – MAHARASHTRA

Namaste

C’est la der des ders.

Alors je quitte mon Badami. Ses cochons noirs qui gambadent dans les ruelles et les détritus, qui ressemblent à des sangliers et gambadent de façon ridicule comme des phacochères. Avez-vous déjà vu des phacochères courir avec leur queue en l’air ? C’est tordant ! Ses singes qui assaillent tôt le matin la tôle du toit de l’hôtel. On dirait qu’ils voudraient l’arracher. Le restaurant de l’hôtel Clarks Inn, sa lumière un peu blanche mais sa carte variée, excellente, mais dont je ressors les lèvres en feu (la série « Mash », vous vous rappelez ? « Lèvres en feu » !) malgré les 2 litres d’eau ingurgités. Les enfants qui viennent me réclamer un school pen ou quelques roupies et repartent contents même si bredouilles. Les tracteurs décorés comme des sapins de Noël qui défilent, chargés à blocs, dans la ville même. En voyage j’ai l’habitude de me faire du bien, et aussi du mal. Cette joie de la découverte des ruelles de Badami et le « raté » de mon expédition vers des temples aux alentours me font à nouveau réfléchir sur pourquoi je pars. Je crois avoir trouvé la solution à mon réveil. C’est limpide. Mais je n’écris pas tout de suite. Alors ça redevient confus. En substance, il y a autant de façons de voyager qu’il y a de voyageurs. Presque. Il doit bien exister quelques sosies voyageurs ! J’ai eu en projet un texte sur le thème « Pourquoi voyage-t-on ». Analyses et solutions. Ça me paraît aujourd’hui une entreprise dantesque et surtout inintéressante et « bateau ». Comme faire un catalogue. Petit Un, l’ennui. Petit deux, la fuite. Petit trois, la rupture amoureuse. Petit quatre, le dépassement de soi. Petit cinq, la découverte des autres et gnagnagna… Les magazines féminins ont dû s’emparer de l’affaire des centaines de fois. Je ne saurais qu’analyser mon cas. Et encore… Pour les autres je serais vaniteux et ce n’est pas mon genre 😉. Peut-on dire à quelqu’un, à un lecteur, ce qui ne lui correspond pas. Trop de prétention, de pédanterie.

Voici l’exemple très récent d’une rencontre éphémère au petit déjeuner. Des belges assez âgés, plus que moi. Lui annonce d’emblée de façon très péteuse qu’il en est à son trentième voyage en Inde. J’en suis à 7 ou 8. Petit jeu. Mais je n’ai plus l’âge de m’excuser ou de me justifier de ne pas être à la hauteur quand nous n’avons pas les mêmes valeurs. Ce couple est allé visiter Aihole, ce groupe de temples où je me suis énervé, où je n’ai rien éprouvé de particulier, et qu’il m’a fallu un quart d’heure à peine pour en faire le tour. Ce couple y est resté trois heures. Des mordus ! Eux on trouvé leur culture, moi je n’ai pas trouvé mes images. Et rebelote pour Pattadakhal. Le monsieur me prend un peu de haut. Je lui explique que j’aime l’Inde, sans doute différemment. Les temples, les dynasties, les légendes… il y en a des milliers en Inde. Moi je ne retiens pas tout ça. Je suis à la recherche de sensations, d’émotions, d’odeurs, de couleurs, d’enfants qui ne sont pas blasés, de parents qui sourient et sont heureux de me voir. J’ai tout ça en Inde. Pour l’affaire d’Aihole, je regrette de ne pas avoir eu le réflexe d’arrêter le tuktuk en ville, où les temples accaparés par les gens, en ruines plus qu’eux-mêmes, m’auraient vraiment mieux correspondu.

J’ai une autre anecdote. Alors que nous en sommes à la dinde farcie accompagnée de sa jardinière de légumes frais du jardin des Denn. Les Denn sont les hôtes de la soirée. Un couple bien assorti. Lui, Mark, écossais (d’où les petits pois de la jardinière) et elle, Birgit, qu’on appelle Bigoo, bretonne comme son prénom ne l’indique pas. Nous sommes donc chez Denn Mark et Bigoo Denn à déguster la dinde, quand une de ses congénères, convive du dîner, déclare que Lanzarote, c’est nul. Elle n’y est jamais allée, mais colporte pour elle-même, les dires d’une amie ou d’une influenceuse. Elle vient de quitter l’émission de Cyrille (Hanouna) pour rejoindre celle de Pascal (Praud). VC’est peut-être là qu’elle a retenu que Lanzarote était pelée, sans ombre et sans plage intéressante. Mais moi, c’est cette île des Canaries que je préfère. Sur ce coup, je ne suis pas le seul autour de la table. Elle est tellement différente des autres. Sa Nature impérieuse, la lave de ses volcans dont les habitants ont tiré le meilleur. Et César Manrique, cet architecte touche-à-tout qui a sauvé son île des promoteurs et de leurs dégradations sans scrupules, comme ils se sont bien exercés ailleurs. Et l’histoire brève d’Omar Sharif à hurler de rire que j’ai déjà racontée. Lanzarote est un joyau pour moi. Nous n’avons pas la même vision. Je crois en la mienne et respecte celle des autres pour peu qu’ils aillent voir de quoi on parle. Je respecte ces belges, s’ils ne m’imposent pas leurs raides idées. J’ai moins d’indulgence pour cette convive qui se fait une opinion brutale (et la divulgue) sans se déplacer.

Je quitte donc Badami, disais-je. Un premier bus m’emmène à Bagalakot. Une petite heure de route. Il faut jouer des coudes dans la montée. Avec mon sac qui fait plus de 19 kilos maintenant, j’en éborgne quelques-uns. Je cale le sac entre les jambes d’un qui a plus de place que les autres. Il me remercie d’un grand sourire. Et je trouve une place pas loin. Peu après le départ, il semble y avoir une altercation entre le chauffeur et quelqu’un à l’extérieur, un motard a priori. Je ne vois rien. L’indien n’en a pas l’air comme ça, mais il a le sang chaud. Tous les passagers se tendent vers l’endroit où ça fait bisbille et chacun y va de ses commentaires et surenchérit. Et ça gronde. L’affaire est cette fois-ci minime, mais ça montre que les indiens sont prompts à réagir vite collectivement. On engage d’ailleurs à s’éloigner des regroupements hostiles quand on se trouve dans les parages. Et on repart. Et du monde grimpe (ou tente de le faire) à chaque arrêt. Il arrive un moment où, manifestement ce n’est plus possible. Je perds la vision sur mon sac. Je donnerai ma place à une centenaire grabataire, mais pas moins. Le changement de bus pour Bijapur est rapide. Je vais m’installer à l’avant avec une visibilité pleine sur le paysage. Trois heures de route tranquilles sans trop plein de voyageurs. Je rejoins mon hôtel à pied. Il est formé comme un grand cloître, chambres très bien tout autour d’un grand jardin carré, relativement protégé du bruit, en tout cas de l’agitation, de la rue. Super pour se poser. En plus le restaurant est parfait. Pas besoin d’aller chercher ailleurs.

Bijapur est l’ancien nom de la ville, mais tout le monde l’appelle comme ça. Sur les documents officiels, c’est Vijapura. Elle est réputée pour ses mausolées et mosquées bâties du temps où les moghols s’étaient aventurés jusque-là. C’est l’architecture du Taj Mahal, de beaucoup d’endroits du Rajasthan. C’est une architecture que j’aime, avec ses bulbes, ses multiples ouvertures, l’ampleur de ses voutes, la mégalomanie des puissants de l’époque. Dans certains quartiers, Bijapur groupe les hommes à barbe et les femmes à voiles. Les monuments, plutôt en bon état et protégés, sont dispersés dans la ville. La plupart, mosquées encore actives, sont à entrée gratuite. Deux monuments à l’est et à l’ouest, emportent la palme. Ce sont deux mausolées. D’abord le Gol Gumbaz (entrée foreigners 300 rps, entrée indiens 50 rps) qui impose. Je le vois à la lumière de fin de journée. Magnifique. L’intérieur est une simple voûte gigantesque qui a la particularité d’avoir une acoustique extraordinaire. On peut monter jusque sous la voûte, tout la haut, et les gamins s’en donne à cœur joie pour crier, chanter, moduler la voix. C’est assez impressionnant. Comme le Taj Mahal, il n’y a pas grand-chose à voir et pourtant on y reste à contempler, regarder, écouter…  impressionné par l’ampleur et les proportions.

Le deuxième est l’Ibrahim Roja, il est plus loin, il y a moins de monde. Les gardiens, armés de bâtons et de sifflets qu’ils utilisent autant que les tuktuks leur klaxon, grondent les amoureux qui auraient tendance à s’éclipser derrière les grosses colonnes. Là encore, je m’assois à l’ombre et je regarde. Je regarde les femmes chargées de balayer ce qu’il n’y a rien à balayer. Et c’est toute l’inefficacité indienne du travail qui se résume là. J’avais déjà vu sur un quai de gare des femmes « laver » un petit espace à grande eau vers les rails (une autre personne, d’une autre caste sans doute, étant chargée de dégager les rails des détritus jetés par les voyageurs… et ces dames de ménage), puis décharger les poubelles, resalissant le même espace, et relaver encore. Tout cela fait à la va-vite, mais en prenant son temps malgré tout. L’espace était aussi sale et négligé à leur départ. Les dames qui balayent à l’Ibrahim Roja passent et repassent à l’endroit qu’elles viennent déjà de balayer. Elles demeurent sur la petite partie à l’ombre évidemment. Peut-on leur reprocher ? Bref. Les indiens trouvent que c’est propre quand il n’y a pas de papier par terre. Et c’est tout. Et encore… L’indien n’est pas dans la perfection. Il nettoie ce qui se voit. Les recoins sont difficiles à nettoyer, comme les contours des robinets des salles de bains, comme une douche qui fuit et qu’on laisse. Inde, éloge de la lenteur, apologie du nombre… La propreté est sous le tapis. Et puis, pourquoi faire bien à un quand on peut faire (mal) à quinze ? N’allez pas leur dire, ils se fâcheraient ou n’en auraient rien à faire…

Un autre bâtiment, l’Asar Mahal, aurait contenu jadis deux poils de la barbe de Mahomet, prophète de profession. Trois questions se posent. Que sont devenus ces deux poils, visiblement manquants aujourd’hui ? S’il s’agit d’un vol, où en est l’enquête ? Où est le reste de la barbe ? En continuant ma promenade, je trouve un marché de fruits et légumes bien pittoresque, à même le sol. Je fais moins de portraits, ayant un peu de scrupules à ne pas pouvoir montrer le résultat à ceux qui ont bien voulu poser ou qui me l’ont demandé. En définitive, Bijapur s’est avéré être une bonne halte à tous points de vue. C’est une petite ville indienne à taille humaine (de 350.000 habitants tout de même ! Nice en France), hors des circuits. En voilà une autre petite ville indienne, Kolhapur, 550.000 habitants (plus que Lyon). Le bus prévu à 7h30 est parti à 7h20. Il vaut mieux avoir de l’avance. Alors si les trains partent en retard et les bus partent en avance, ça fait un équilibre. Et les six heures de trajet prévues ont été réduites à moins de cinq heures ! Route tranquille. Bienvenue au Maharashtra. Deux choses à voir. Le temple de Mahalaxmi dans un semblant de petite vieille ville au calme de la circulation et des klaxons. Je tente d’y entrer mais les sacs sont interdits. J’ai le temps, je reviendrai. J’y reviens sans mon sac, appareil-photo au poignet. Oui mais voilà, les appareils-photo ne passent pas la sécurité. J’ai toujours le temps… Cette fois-ci, délesté de mon sac, de mon appareil-photo et de mes tongs, j’entre dans l’antre. Un moment j’ai pensé qu’étant en bermuda, on m’aurait fait les gros yeux. C’est un temple pas mieux qu’un autre, ancien puis élargi, mais particulièrement vénéré. Les abords sont finalement plus intéressants. Dégueulis de fleurs partout, dans les cheveux des dames, sur les plateaux vendus dans les boutiques pour les offrandes. Des maisons anciennes avec toits de tuiles et en bois persistent mais abandonnées de tout soin, leur temps de vie est compté. Mais la vie a la peau dure en Inde. On n’entretient pas, on rafistole, on fait durer, les mesures d’insalubrité n’existent pas. Ces maisons sont soutenues ou remplacées par des bâtiments « récents » au concept architectural parfois déroutant. C’est plein de vie.

Et il y a le Shree Chhatrapati Shahu qui est un palais immense, indo-rococo, qui date du milieu su 19ème siècle. C’est le « new palace » du roi de Kolhapur. Le rez-de-chaussée est un musée (entrée 80 rps) qui n’a pas bougé depuis sa création il y a bien des décennies. Les murs sont délavés et sales, la poussière est d’époque, l’éclairage est subtilement faiblard, les vitrines ont l’âge des objets présentés… Mais c’est ce qui fait tout le charme. Même les prises électriques, qui date d’une époque où la norme n’était pas encore dans le vocabulaire, semblent faire partie de la présentation. On y trouve les meubles d’époque, les trophées de chasse de ce rajah bien passionné (il a dû tuer tous les tigres du coin), la galerie des animaux empaillés est glauque à souhait, énormément d’armes, épées et autres tranchants qui rouillent sur les panneaux d’exposition, une impressionnante salle du trône. Le vaste jardin permet de se poser tranquillement. Un groupe d’étudiants en psychologie est réuni sur l’herbe à fêter l’anniversaire des 24 ans de l’un des leurs. J’ai droit à une part de gâteau. Les autres visiteurs se prennent en photo d’une façon ou d’une autre. Pas un ne le fait pas. Un vrai rituel. Trois jeunes filles viennent vers moi, visiblement pour solliciter un selfie. Je rentre mon ventre 😊. Puis elles se dégonflent et rebroussent chemin en pouffant de rire. Pour une fois que je ne suis pas sollicité par un groupe garçons post-pubères ! Tant pis.

Depuis Bijapur, j’ai un mal fou à comprendre les indiens quand ils me parlent en anglais. S’ils me parlaient en marathi, la langue locale, ce serait bien pire évidemment. Je me demande parfois s’ils me parlent vraiment en anglais tant je n’arrive pas à captiver de mots. Même pour passer une commande au restaurant c’est compliqué. Et avec leur façon de dodeliner de la tête pour dire oui avec l’air grave alors qu’on a l’impression que c’est non, ça n’aide pas. J’espère qu’ils ne se vexent pas, je suis au bord du fou-rire parfois. Moi je le dis, il y a des stages d’accent à suivre ! Le marathi est parlé par 80 millions de personnes. Wikipedia dit qu’il y aurait 270 langues maternelles en Inde, dont 122 langues « importantes ». La Constitution indienne en reconnaît 22. L’hindi est évidemment la plus parlée (plus de 40% de la population) et est la langue adoptée par le gouvernement. Les Etats de la Confédération ont parfois été formés sur des bases linguistiques, comme le Maharashtra où je me trouve avec le marathi, ou le Gujarat avec le gujarati, ou encore le Karnataka d’où je viens avec le Kannada. Certaines langues ont des noms rigolos : l’ourdou, le télougou, l’odia… parlés par des millions de personnes. Pour clore le chapitre linguistique, l’anglais est parlé en première ou seconde langue par 12% de la population. Ce n’est pas qu’une paille. Bref, ils pourraient me parler dans n’importe laquelle de leurs langues, je ne verrais pas la différence. Et pourtant eux-mêmes ne se comprennent pas entre eux.

Dans le bus qui m’emmène à Pune, mon ultime destination, la clim est à fond. Je ne vais pas rentrer avec un rhume quand même et enroule ma gorge dans un t-shirt qui pue ma sueur, le premier que j’extirpe de mon sac. Cinq heures de route tranquilles sur une deux fois deux voies, parfois trois, en construction encore parfois. Le chauffeur double dès qu’il peut. Ici je ne m’étonne plus et suis serein. Chez nous je dirais qu’il est fou et j’aurais vraiment la trouille. Je m’accorde mes deux derniers jours comme s’ils étaient mes vacances 😉. J’explose le budget « chambres » à l’hôtel Sunderban situé dans un quartier résidentiel au calme au bord du parc Koregaon. L’Inde à l’aise est ici, c’est l’Inde à peau claire. Le Starbucks et ses petits frères aussi. Ma chambre a la taille d’un appartement moyen parisien et mon lit peut accueillir quatre personnes à l’aise. Et puis tiens, je vais m’offrir une pizza. J’ai décidé de faire craquer ma carte bancaire. Ce ne sera jamais autant que mon premier caddie de supermarché au retour. Et puis maintenant que je suis salarié de l’Etat, je peux me permettre. En vacances on a la flemme n’est-ce pas ? Je zappe le palais de l’Aga Khan à cinq kilomètres au nord de moi-même. Il retrace et sans doute glorifie le parcours du Mahatma Gandhi vers la liberté de lui-même et de son pays au travers de photos et diverses reconstitutions. Ses cendres sont dans le jardin. L’intérêt est pour les indiens. Pune est la huitième ville de l’Inde pour le nombre de ses habitants (un peu plus de 5 millions, plus de deux fois Paris !). Elle est située à 150 kms au sud-est de Mumbai. Il fait 36°C aujourd’hui, c’est tenable à l’ombre. Il est temps que je parte, la température va augmenter d’un degré tous les deux ou trois jours maintenant. Donc dans un mois il fera 60°C si je compte bien 😉. Je rigole un peu jaune, au rythme où on va, on va y arriver un jour…

A Pune, on ne vient pas faire du tourisme, on vient en ville ou à l’écart, au calme comme moi. Un métro très récent et bien agréable, en hauteur, d’où on voit bien la ville, sans intérêt esthétique. Une ville indienne donc. Qui change bien de la campagne, de la ruralité. Il y a de l’argent ici. On me recommande bien à l’entrée de ne pas prendre de photo à l’intérieur du métro. Ils vont bien arriver à se réunir un jour pour se demander finalement pourquoi on interdit les photos dans certains lieux ! Ah oui c’est vrai ça, parlons-en lors de notre prochaine réunion… l’année prochaine. Un musée très sympa, le Raja Dinkar Kelkar museum qui, sur trois étages est un grand déballage bien organisé d’artisanat ancien, d’outils et ustensiles d’excellente qualité, en provenance du Maharashtra, du Gujarat et du Karnataka principalement. Certains objets sont somptueux, notamment dans la salle qui présente des instruments de musique aux formes étonnantes. On est samedi matin, c’est agréable de se balader. Pas encore trop de bruit. Dans le cœur de la « vieille ville », c’est animé. Un beau bazar empli de boutiques de tissus, vêtements, foulards et babioles… Et moi je quitte maintenant tout ça et vais me poser définitivement jusqu’à mon départ dans mon quartier refuge où la bière coûte bonbon et où le calme est Dieu. Depuis une semaine, depuis Hampi en fait, j’ai dû voir quatre non-indiens maximum. Hors circuit donc. Dans mon hôtel de Kolhapur, très bien, très propre et possédant tout le confort d’usage, il n’y avait pas de papier toilettes, même en demandant. On m’a donnée quelques feuilles de kleenex pour mes besoins. C’est dire que des étrangers, ils n’en reçoivent pas des masses !

Une dernière chose : j’ai très peu vu d’affiches et portraits représentant Narendra Modi dans ma rapide traversée du Karnataka et du Maharashtra. Ces états ne doivent pas être favorables à son parti. Ce Modi qui vient de féliciter chaleureusement Poutine pour sa « réélection ». Quel Tartuffe encore celui-là. Est-on si naïf pour faire encore des courbettes à ceux qui se liguent pour abattre l’Occident démocratique. Par ailleurs, peut-on leur en vouloir de leur vengeance (bien tardive) envers les colonisateurs d’avant qui s’en sont mis plein les fouilles sur leur dos. On m’a toujours appris que la vengeance était un vilain défaut. Et je les vois réunis les Narendra, Xi Ji, Vlad, Mohammed et peut-être Recep Tayyip autour de la table. « Vous reprendrez bien un peu de tartuffade ? ». « Ah oui volontiers, je m’en délecte. Remettez m’en avec beaucoup de mauvaise foi, de propagande et de suppression des opposants, c’est presqu’aussi bon que le pouvoir à vie ». Ils n’ont aucun point commun ces zouaves, abuseurs sans scrupules de leurs ouailles, sauf celui d’en remontrer aux américains et à leurs faibles alliés autrefois maîtres sur leurs terres.

Une dernière dernière chose : je lis que dans le district de Pune, il y aurait 50 millions d’hommes de plus que de femmes. Cherchez l’erreur. J’en ai déjà parlé… Et de manière générale, l’Inde qui bombe le torse car elle est devenue récemment la première nation en nombre d’habitants, 1,4 milliards. A quoi ça sert cette fierté puisque statistiquement c’est toujours plus de miséreux. Et c’est chez les gens pauvres qu’on fait le plus d’enfants (qu’il en meure aussi peut-être). Il faut bien trouver de l’occupation quand on n’a pas d’argent…

Troisième dernière chose : j’ai moins senti de harcèlement de la part des indiens cette fois-ci (demandes de selfies des garçons, demande de roupies des mendiants). J’ai même souvent pu rester au calme seul à regarder ou faire semblant, sans être importuné, une vraie performance. Ils doivent me connaître maintenant, ou on nous les a changés…

 

Lundi c’est Holi… Un petit pipi et holi ! Holi est une fête hindoue à l’équinoxe de printemps, l’occasion de s’asperger de poudres multicolores. Le rouge domine. Voici donc un long week-end férié pour ceux qui peuvent. J’en vois les prémices (stands de vente de poudres, de pistolets gicleurs en plastique). Pourvu que j’entre indemne dans l’avion. Je suis bien et content de rentrer à la fois. Retrouver Tom. Retrouver mon jardin et l’odeur de chez moi. Retrouver mon rameur et mon vélo pour parfaire mes abdos. Retrouver ceux d’entre vous qui seront accessibles et auxquels je ne ferai pas de compte-rendu général de voyage puisque j’ai déjà tout écrit. Nous parlerons de la pluie et du beau temps, il y a déjà beaucoup à dire sur le sujet. Il y a trois heures et demie de route jusqu’à l’aéroport de Mumbai. Je vais prendre un taxi pour m’y rendre directement, c’est abordable et je suis en vacances non ?

 

MON BILAN DE COMPETENCES

75 jours de voyage en tout (un mois en Egypte, un mois au Sri Lanka et 2 semaines en Inde).

Des paillettes plein les yeux (le compte est impossible), comme d’habitude, les narines encombrées d’odeurs permanentes ou subtiles.

Des rencontres avec d’autres voyageurs, pas des masses, éphémères, mais toujours intéressantes et réjouissantes.

J’ai avalé pas mal de kilomètres en bus, en train, en tuktuk, en voiture ou en scooter. Là encore, j’ai arrêté le compte, qui n’est d’ailleurs pas très intéressant, tant on ne peut comparer les trois pays sur ce point de vue (comme sur plein d’autres). Et je ne compte pas non plus les kilomètres à pied. A ce sujet, bonne nouvelle, mes tongs ont tenu ! Si elles ne déparent pas dans la masse des tatanes poussiéreuses abandonnées à l’entrée des temples et mosquées, j’aurai cependant honte de les exhiber au marché de Bormes-les-Mimosas ou du Cap Ferret. Je les destine à devenir mes « tongs de bricolage ou de jardin » 😉. Ce dernier doit s’impatienter de mon retour pour un petit toilettage d’après-hiver. Mes boutures ont-elles tenu ?

 

Question poids, ma balance dira tout à mon retour. Je n’ai pas dû perdre beaucoup. Ce n’est pas parce qu’on a l’image des indiens fins comme les fakirs chez Tintin, que l’on ne mange pas à sa faim. Les assiettes sont copieuses, les sauces épaisses, le riz omniprésent, les chapatis, rotis et autres parathas succulents, sans compter la bière qui, quand elle est là, fait vraiment du bien. Et parfois même les pâtisseries très très sucrées auxquelles on (je) ne peu(x)t résister. Deux de mes destinataires sauront de quoi je parle.

Budget général de moins de 5.000 € tout compris (avions 700 €), soit 60 € par jour tout compris, ou 50 € par jour (hébergement, transports, tourisme, nourriture, divers) hors avion.

J’ai ouvert un peu les vannes en Inde où les hébergements m’ont semblé avoir subi une belle inflation (ou c’est moi qui me suis embourgeoisé), la nuitée moyenne est de 16 € (28 € en Inde).

 

J’ai mangé pour rien un peu partout, en général plutôt pas mal. Je suis néanmoins content de rentrer et retrouver un peu de nourriture fade 😊

Je ne compte plus le nombre de photos prises, il y en a trop. J’en ai posté environ 600 sur Travelmap. J’espère que vous avez aimé.

 

J’ai lu une quinzaine de livres, romans et nouvelles. Je conseille vraiment « Le mage du Kremlin » de Giuliano da Empoli qui a obtenu le prix de l’Académie française l’an passé je crois. Il relate la montée en puissance de Vladimir Poutine de façon tout à fait lisible. C’est scotchant, glaçant, sans surprise pour ce que nous en recevons depuis quelques années. L’éloge du cynisme qui saupoudre bien notre planète aujourd’hui. J’ai arrêté la lecture de deux livres dans lesquels je n’ai pas réussi à rentrer (« Les yeux de Mona » de Thomas Schlesser qui semble pourtant avoir un beau succès et « La peau de chagrin » de Balzac). Je suis actuellement à fond dans des récits et courts romans peu connus de Balzac. Et au fait, pourquoi appelle-t-on « roman » une fiction écrite ? A ma gauche, Marie-Noëlle (la fille du Père Fouettard) dit que c’est une contraction de « Romanichel ». Merci Marie-Noëlle. A ma droite, Jean-Balthazar, grand érudit, nous informe que ça date de la Rome Antique et que, comme on ne voulait ni pou, ni tique, ça s’est terminé en « roman ». Euh, oui, merci aussi JB. Et au milieu, voilà Jacques D., cigare en bouche, masqué par ses lunettes noires. Il murmure et j’entends à peine qu’il dit « Paul en ski, Paul en ski… ». Qui veut bien raccompagner Jacques D. ? On va dire que c’est un peu tout ça. Mais moi je suis allé voir, et je connais la réponse 😊.  

J’ai écrit et posté 10 blogs d’environ 2.500 mots chacun, soit 10 pages d’un livre en moyenne. J’ai du mal à raccourcir. Merci à ceux qui m’aiment, ont eu la patience, donc la curiosité, et ont tenu jusqu’au bout. Vous étiez 20 destinataires au départ et êtes restés 11 à souhaiter continuer à partir de la session Sri Lanka. J’adresse ce dernier article à tous, pour session de rattrapage éventuel et m’éviter les « Alors c’était bien ? » ou « C’était comment ton voyage ?  Tu es parti où déjà ? » au retour. J’ai le vague projet de relire et légèrement remanier les blogs de voyage dont j’ai pu garder trace et les réunir dans un bouquin destiné à ma descendance, si jamais mes fils veulent bien se donner la peine d’en fabriquer une 😉

 

Merci et à la prochaine