Musandam est un prolongement, que dis-je, un cap, un nid à oiseaux, un promontoire, presqu’une presqu’île, une fin de territoire, un espace historique et stratégique aux aguets des passages maritimes du détroit d’Ormuz, une envolée de montagnes hautes, le sommet est à 3.000, une côte déchiquetée en fjords qui lui donnent le surnom de la norvégienne d’Arabie (un peu d’imagination que diable), une réserve poissonneuse, des dauphins rigolards… bref, un petit monde tout à part. Le territoire d’à peine 2.000 km², la taille de l’Essonne, pour 30.000 habitants, est une « exclave » d’Oman. Administré par le sultanat, il en est séparé par les Emirats Arabes Unis (EAU, là où ne boit pas de vin 😊). Dubaï est à deux heures de route, Musandam est l’occasion de longs weekends pour émiratis et expatriés en mal d’extraction citadine. Ce peu être une fin de séjour intelligente pour qui voudrait continuer ou terminer son voyage à Dubaï ou Abu Dhabi (mais pas tout nus – blague Carambar).

J’ai eu beau lire, lire et relire, je n’ai pas trouvé de réponse à la scission du territoire. Cela vient de loin certainement, du temps où Oman établissait ses comptoirs maritimes en des points stratégiques, pour le contrôle des voies commerciales, en Afrique et son point d’orgue Zanzibar d’un côté, en Asie proche et Pakistan de l’autre. Musandam est à la jonction du Golfe Persique et du Golfe d’Oman, on ne peut mieux. L’Iran n’est qu’à 70 kms derrière l’horizon, mais aucune trace n’en est visible. Il doit bien y avoir quelques dialectes mais c’est l’arabe qu’on parle. Sans me tromper je pense, Musandam est l’extrême oriental de la vaste zone de langue arabe, le Maroc en serait son pendant 8.000 kms à l’ouest.

Mais il y a situation plus curieuse encore. Sur la route de Musandam au grand pays d’Oman, enclavé dans les EAU, se trouve Madha, 75 km² (à peine les trois-quarts de la surface de Paris), presqu’entièrement inhabité, rattaché officiellement à Oman depuis 1969 (à peu près la date de la création des EAU). Et là vient l’encore plus étrange. Mais oui, mais oui. Au sein même de Madha se trouve encore une enclave qui est Nahwa, 5 km² (à peine plus grand que Marnes-la-Coquette !) et qui appartient aux EAU, à Sharjah en particulier… Un peu comme si, du temps de la guerre froide, Berlin Ouest avait en son sein un village soviétique. On aime l’art des cercles concentriques dans les parages, et surtout des difficultés…

Mon premier jour à Musandam est calme, je reste à Khasab la petite capitale avec son aéroport en bout de ville. Il y passe un seul vol en provenance de Mascate le matin qui vomit ses passagers, en avale aussitôt d’autres pour un retour à Mascate. Et ensuite, clic clac , on ferme l’aéroport jusqu’au lendemain. Besoin de repos car il faut dire que des jeunes émiratis m’ont bien pris le melon cette dernière nuit à Seeb. Et vas-y que je te pousse la musique à fond (et pas du Lavilliers ni du Grieg hein !) toute la nuit. Des Allah Akhbar en boucle, cris incessants, garçon comme fille, une véritable java. On est samedi, certes, mais on n’est ni à Broadway ni à Meudon ! Et si encore ces hurlements étaient reproductifs, même simulés, c’eut pu être rigolo. Mais là, rien de tout ça, très chaste, juste l’arrogance, l’insouciance, et le nombrilisme. A 5h30, quand je quitte la chambre pour me rendre à l’aéroport, la fête bat toujours son plein dans la chambre voisine. Je me soulage d’un fort « thank you for the night ! » inutile.

L’arrivée de haut sur Musandam est prodigieuse, hauteurs et escarpements.

Je descends dans l’hôtel le moins cher mais très bien placé au cœur de la ville, le Lake Hotel (15 omr - 35€), catégorie moyenne classique et qui sent un peu le vieux.

Je me fends de la visite du fort, identique aux autres, mais avec une petite exposition ethnographique (ou ethnologique, vous ferez la différence) très bien faite sur Musandam et Oman. A 2kms se trouve la plus proche plage où je projette vaguement d’aller camper. J’ai vu mieux comme plage mais l’eau m’accueille à bras (de mer) ouverts. Je bouquine, j’écris, somnole, prends mon temps, je vais au Lulu Hypermarket prendre le frais et faire mes courses pour le petit dej… rien de franchement touristique donc. Je ressors en fin d’après-midi, à l’heure des belles couleurs, appareil-photo vissé au poignet.

Et je repense à mon dernier resto de Seeb où je suis allé faire chabrot. Mais oui, ma première bière du séjour (une Heineken, soyons raisonnable). J’avais lu quelque part de bonnes critiques sur ce resto. Google Maps m’a envoyé à 10 kms pour ne pas le trouver, et il était en fait à 100 mètres de mon hôtel ! Dès mon arrivée, le serveur, averti de la soif des occidentaux, et qui viennent dans son resto sombre pour s’en picoler une, me tend la carte des alcools… Je prends mon temps pour boire et ressentir les bulles fraîches rouler dans ma gorge, et non « vistemboir », comme on dit dans mon patelin. Je ne ferai pas l’outrage d’en verser dans la soupe qui est souvent servie d’office dans les restaurants un peu bien. Et un tiramisu en dessert, c’est trop demandé ? Il semblerait bien que oui !

Retour à la banalité analcoolique à Khasab…

Incontournable de Musandam, une journée en dhow (boutre), gros bateau de bois traditionnel, transformé aujourd’hui en promène-touristes. Je vais prendre le boutre à pieds, parce que c’est mieux que le boutre en train, haha… Nous sommes très peu nombreux sur le boutre (dhow), les 2 indiens accompagnateurs (du Kerala of course), un jeune couple français palois, un vieux couple belge ostendien, un moyen célibataire étasunien de Los Angeles et moi. On est sensé voir des dauphins, on en verra quatre, vraisemblablement envoyés par la troupe pour la corvée quotidienne d’attraction touristique. Mais qui est dans la cage du zoo ? Celui qui est sur le bateau ou celui qui nage librement dans la mer ? Du snorkeling est aussi au programme. 2 spots, rien à voir, sauf les quelques poissons qu’on appâte avec du pain. Ils sont très jolis, dont des bons gros bleu foncé tout plats. Reste que la balade est magnifique dans cette nature abrupte et ultra rude de montagnes aux couches empilées comme du contreplaqué. Ca a bien dû bouger fort, et il valait mieux ne pas être dans les parages, il y a quelques millions d’années, lorsque tout cela s’est modelé, surélevé, renversé, éclaté ! La mer est bleu. Je rattrape mon retard de prise de parole aussi…

Au dîner, je m’installe en terrasse avec comme vue à droite le fort très joliment illuminé et à gauche, le Lulu Hypermarket tout néonisé. Et d’ailleurs, pourquoi Lulu ??? Pour Lucien et Lucille sa luciole ?

Surprise du matin, il pleut, et pas qu’un peu… Puis ça se calme. Le loueur de voiture (indien) me dit que les prévisions météo donnent 50% de chance de pluie aujourd’hui. Une goutte sur deux donc ? Au final, on passe au travers et la journée est fraîche (23°). La route côtière qui mène à la frontière des EAU à une quarantaine de kms de Khasab, a été refaite récemment, parfois prise sur la mer. Elle est très jolie. Montagnes striées à gauche, mer à droite. Quelques belles petites plages au sable doré, même si proches de la route. Dommage, il fait un peu frais. Quelques villages qui semblent abandonnés des humains et laissés en gardiennage aux chèvres. Chaque hameau a sa mosquée.

A part cette route, Musandam a relativement peu de routes bitumées. Celles-ci sont construites dans les vallées très plates en arrière de Khasab. Je les emprunte toutes systématiquement. J’aime bien faire les choses dans l’ordre et achever le travail de reconnaissance ! Un peu de frustration donc, car pour monter dans les montagnes, le 4X4 est obligatoire. De plus, je pense qu’il vaut mieux avoir un chauffeur pour ce périple.

Plus besoin de la tente qui ne m’aura servi qu’une fois. Je la donne à un indien, qui est content car ça lui fera un tipi où il pourra fumer le carry de lapin 😊

L’avion de Mascate qui vient nous chercher à Khasab pour nous ramener à la capitale arrive… mais n’atterrit pas !trop de vent. Il fait demi-tour avec ses passagers. Nous voilà bien. Pas sûr qu’on nous en affrète un autre. Attendre jusqu’à demain peut-être. Dans cve cas, la bonne nouvelle est que la compagnie nous hébergerait dans le meilleur hôtel de la ville, l’Attana. Ca me plairait bien, j’ai le temps. Pas de bol, l’avion de l’après-midi (il y avait un deuxième vol donc aujourd’hui) peut se poser et remplit sa cabine au retour.


Derniers moments à Mascate, je vais border la côte côté droit en regardant la mer. Très jolie route récente qui a écarté les montagnes. Des projets immobiliers d’envergure sont en cours, les infrastructures routières sont prêtes. Ils ont oublié les quotas de logements sociaux, c’est ballot ! La mer est magnifique, ce qui justifie de réserver la vue à qui la mérite 😊

Enfin de belles plages baignables et propres près de Mascate. Je plonge dans celle d’Al Bustan, qui a un très joli sable blanc. Au bout de la plage se trouve l’Al Bustan Palace dont le premier prix de chambre est à 220 omr (530 €). Le petit déjeuner est compris et on peut payer en carte de crédit, ouf ! Plusieurs plages de la côte sont privées, pas cool ! La plage de Qantab, un peu plus loin, est très bien aussi. Les bateaux de pêche n’empêchent pas la baignade. Avant que la route existe, Qantab devait être un tout petit village de pêcheurs. Aujourd’hui, elle surgit d’un coup, toute blanche, quand on arrive en surplomb depuis la montagne. Celle de Yiti, encore plus loin est magnifique aussi, malheureusement ventée quand j’y arrive. Le village côtier est très à l’abandon. En arrière, une zone plate de marécage quasiment sèche attire les oiseaux de plusieurs espèces. Je pousse jusqu’à As Sifa. Belle longue plage encore et la route s’arrête là. De grands resorts se sont installés à quelques encâblures du village des pêcheurs qui respire la misère. Contrastes…


En chemin, les sauterelles contre-attaquent. Les grosses sauterelles jaunes, comme celles qu’on voit fréquemment, mortes, sur certaines plages. Elles sont des milliers, certainement beaucoup plus, mais j’ai arrêté le compte à 23. Et bing sur le pare-brise. Les plus étourdies tombent au sol et finissent écrasées par les voitures qui me suivent. Moi je dis toujours, qu’on soit volant ou rampant, il faut toujours regarder avant de traverser la route. D’autres sauterelles cherchent la chaleur du bitume et s’y posent. Enivrées d’un plaisir béat, elles s’assoupissent et crac finissent en crêpes sous les pneus. Alors je le répète, quand on n’est pas véhiculé, on évite la route !

A la fin du fin, c’est sur ces excellentes petites plages que je finirai mes jours… à Oman. Aujourd’hui vendredi, les expats en couple ou en famille viennent profiter du sable. Ils ont même sorti 4 chameaux pour faire joli. Des pêcheurs proposent leur bateau pour aller pique-niquer sur une autre plage. How much ? 15 omr ? Euh… merci, c’était une bonne idée, à bientôt… La vie d’expat est semble-t-il bien agréable pour qui est en famille. La ville (et le pays) est tranquille, sûre, parfaitement achalandée, de nombreux échappatoires le weekend, une école française, des écoles anglophones, la mer tout de suite là, etc. Pour les célibataires, la qualité de vie est excellente, mais on doit un peu s’emm… à la longue.

Et le climat est finalement excellent 6 mois par an. En ce moment (février), c’est comme l’été en France, sec et bonnes températures. Celles-ci n’ont jamais été excessives pour moi et je n’ai jamais transpiré comme un âne (si tant est qu’un âne transpire) comme c’est le cas en Asie.


Et puis les routes sont excellentes, les expressways doublent maintenant les routes déjà existantes et coupent paysage et gens populations en deux. Pensez qu’en 1970, il n’y avait que quelques kms de bitume situés à Mascate, dans tout le pays. Le développement est prodigieux.

La manne pétrolière est intervenue assez tard, dans les années 70. C’est à partir de ce moment que le pays a pu prendre son essor. Un miracle. Oman demeure le pays de la région avec le moins de réserves de pétrole. Il paraît que le Qatar (ou le Koweit) et l’Arabie Saoudite ont des réserves pour 2 siècles encore. Ça laisse le temps de voir venir, au moins du point de vue énergétique. Pensez que si le Yémen possédait les mêmes réserves que le reste de la péninsule arabique, la population n’en serait certainement pas dans l’état famélique où elle ce trouve. Ce monde est si injuste ! Donc pétrole et gaz ont fait le lit de l’Oman actuel. Et puis, avec ces moyens et ce climat, il pourrait encore s’offrir des surfaces gigantesques de panneaux photovoltaïques, de l’éolien aussi ou encore accroître sa production d’eau désalinisée. On ne va pas s’en faire donc pour ce pays en voie montante, dont le PIB par habitant est identique au nôtre, va le dépasser certainement.

Il est donc très facile de se déplacer. De se nourrir aussi j’en ai déjà parlé. De s’approvisionner, il y a des magasins partout, y compris des Lulu et des Carrefour.


Et avec son immense population de travailleurs immigrés, et sa relative infériorité par rapport à ses voisins, de la modestie de son sultan, ce pays ne se la ramène pas. Peut-être dans quelques quartiers de Mascate que j’aie à peine survolés. Pour le reste, ça frise l’esprit familial, le respect des traditions claniques. Bref, ce voyage aura été empreint pour moi de facilité, de liberté, de sérénité, de calme, voire de solitude. Il en sera tout autre la semaine prochaine lorsque je me plongerai dans la foule Bombayienne. Limite si je redoute un peu…


Au niveau budget, comme d’habitude, chacun adapte avec ses envies, ses moyens, son temps…

Pour l’argent, éviter le change qui est rarement favorable (le taux est exécrable dans les aéroports). J’ai eu 12% de différence au même moment en un retrait ATM et un change d’espèces ! La carte N26 marche très bien. Mon budget aura été de 3.000 € pour le mois passé à Oman, avion compris, je ne m’en suis pas si mal sorti compte-tenu du fait que la location d’une voiture s’est révélée obligatoire en permanence (30% du total). J’ai dépensé une somme équivalente dans mes hébergements, soit 34€ en moyenne par nuit. A titre de comparaison, l’an passé, pour des hébergements équivalents, mes nuitées étaient de 23€ en Inde et de 13€ en Thaïlande/Laos. Les visites (forts, musées) ne coûtent quasiment rien. En revanche les excursion (désert, snrokeling, visites de ville…) ne sont pas données. Mon budget alcool aura été de 2,5 omr (6€), inutile d’emprunter pour ça ! Et j’ai finalement bien mangé, budget plus que raisonnable, de façon diversifiée, sans ressentir de lassitude comme c’est souvent le cas au bout d’un mois. A noter enfin que, voyageant en solo, je paye les hébergements et la voiture le même prix que ceux qui voyagent en couple.

Concernant mes parcours, je pense également m’être bien débrouillé au feeling, sans trop de temps mort, mais le temps de le prendre aussi. Si c’était à refaire, voici ce que je conseillerais sur un mois : arriver à Mascate un jeudi, louer une voiture à l’aéroport et se rendre à Nizwa pour le marché aux bestiaux du vendredi matin. Passer deux ou trois jours et rayonner dans le coin, et descendre dans le Dhofar, à Salalah en deux jours, passer quelques jours sur place et remonter par la côte en plusieurs jours, profiter des excellentes plages désertes et de sable farineux et blanc, les meilleures du pays. Passer dans l’île de Massirah, deux ou trois nuits, et remonter par le centre jusqu’à Ibra et les déserts de dunes. Profiter du désert et retourner vers la côte est et Ras-al-Had pour les tortues (ou le site s’il n’y a pas de tortues). Rejoindre Mascate en passant par Sour, Qurajat, quelques wadis. Quelques jours à Mascate et Seeb et s’orienter vers l’ouest et les villages du Djebel Chams. Retrouver la côte jusqu’à Sohar. Revenir à Mascate pour compléter la visite et prendre un vol pour Khasab au Musandam pour deux ou trois jours. Passer enfin aux EAU, Dubaï et autres, puis vol de retour ou vol pour plus loin… Ca s’organise très bien individuellement. Pour des choses un peu plus off road, 4X4 nécessaire. Certains prennent avec chauffeur. L’idée de la tente est pas mal pour couper le budget. J’ai un peu zappé après mon expérience venteuse et frigorifique dans le désert, et c’est plus rigolo à plusieurs. Inutile de s’encombrer. Le matériel s’achète facilement pour un budget léger ou se loue sur place.


Si vous aimez les chiens, Oman n’est pas fait pour vous. Il y en a très peu. Si vous aimez les chats, c’est un peu plus réjouissant. Trainez autour des poubelles, il y a des chances de surprendre un chapardeur. Mais ce n’est pas non plus l’invasion. J’azi un peu l’impression qu’ils sont livrés à eux-mêmes, les gens sont certainement allergiques. Si en revanche vous raffolez des chèvres et des chameaux et melles, le sultanat va vous ravir !

Si vous êtes plutôt lève-tard, ça va coincer. Le muezzin réveille ses ouailles à 5h30. L’avantage du pays est qu’il y a les moyens d’une bonne sono. Le son est bon, ça ne crachote pas de façon horripilante comme souvent. Et comme il y a souvent plusieurs mosquées dans l’environnement proche, c’est au pire une cacophonie, au mieux une belle harmonie. C’est 5 fois par jour, les moments suivants sont moins gênants, normalement on a pris le petit déj et on est bien réveillé.


650 photos, quelques bien belles, très peu de portraits et de gens, pas facile facile…


Mauvaise nouvelle, je n’ai pas maigri d’un poil 😉


Prêts pour mes « aventures » prochaines ?